VAN GOGH À AUVERS-SUR-OISE. LES DERNIERS MOIS (exposition)
Montée au musée d’Orsay, l’exposition Van Gogh à Auvers-sur-Oise. Les derniers mois (3 octobre 2023-4 février 2024) – dont Nienke Bakker et Emmanuel Coquery sont les commissaires – a été réalisée en collaboration avec le Van Gogh Museum d’Amsterdam qui l’avait présentée précédemment. Elle est la première entièrement consacrée à la production des dernières semaines de l’artiste – soit entre le 20 mai et sa mort, le 29 juillet 1890, après son acte suicidaire du 27 juillet. On se souvient qu’auparavant, victime de plusieurs crises de démence, Van Gogh s’était fait interner un an durant dans l’hospice d’aliénés de Saint-Rémy-de-Provence. Son installation à Auvers-sur-Oise le rapprochait à la fois de Théo, son frère cadet et protecteur, installé à Paris avec sa jeune famille, et du docteur Paul Gachet, médecin spécialiste de la dépression (on parlait encore de « mélancolie »), et par ailleurs collectionneur et artiste lui-même sous le pseudonyme de Paul van Ryssel.
À Auvers, au gré d’un moral d’abord confiant mais qui va s’altérer, Vincent réalise 74 tableaux et plus de 50 dessins dont un certain nombre d’œuvres iconiques, comme L’Église d’Auvers-sur-Oise (4-8 juin 1890 ; Paris, musée d’Orsay). Riche de 48 tableaux et 29 dessins de Van Gogh, auxquels s’ajoutent notamment des dessins de Gachet-van Ryssel, l’exposition met en lumière cette période d’intense activité à travers un parcours thématique : premiers paysages avec les maisons du village, portraits de familiers ou d’anonymes, natures mortes, études graphiques, paysages de la campagne auversoise. Un focus est proposé sur la série, sans précédent dans l’œuvre du peintre, de toiles au format allongé dit en « double carré ».
Un certain apaisement
Le 20 mai, arrivé à Auvers-sur-Oise et installé au Café de la mairie tenu par Arthur Ravoux, Van Gogh écrit sa satisfaction à Théo et Jo, sa belle-sœur : « Réellement c’est gravement beau, c’est de la pleine campagne caractéristique et pittoresque. » Dans une nouvelle lettre, il confirme le lendemain : « décidément fort beau ». Il a rencontré dès son arrivée le docteur Gachet qui a procédé à un examen médical et ophtalmologique discret et plutôt rassurant. Et c’est bien une sorte d’apaisement qui émane des toiles peintes par Vincent pendant un mois, jusque vers la mi-juin. Son intérêt pour le paysage intègre la présence humaine à travers l’habitat, parfois plus rarement des figures, dans d’admirables toiles, aux couleurs chatoyantes et à la touche alerte, ondoyante ou hachée, comme Fermes à Auvers-sur-Oise (fin mai-début juin 1890 ; Finnish National Gallery, Helsinki), ou Maison à Auvers-sur-Oise (vers le 11 juin 1890 ; The Phillips Collection, Washington), même si parfois un ciel plus chargé, un tourbillon dans les nuages rappelant les œuvres provençales montrent que l’angoisse peut ressurgir à tout moment.
L’intérêt de Van Gogh se porte aussi, mais ce n’est pas nouveau, sur la beauté des fleurs dont il tire de petits formats – des cadeaux destinés notamment au docteur Gachet – qu’il peint avec une certaine exubérance, comme Branches de marronniersen fleurs (26 ou 27 mai 1890 ; coll. Emil Bührle, Zurich), ou une simplicité très réfléchie de mise en page, comme Roses et renoncules (entre le 1er et le 3 juin 1890 ; musée d’Orsay, Paris). Le portrait, en revanche, bien que les modèles à sa portée soient alors rares, est un domaine dans lequel il a l’ambition affirmée de faire « moderne » en atteignant la vérité intérieure du modèle « par l’éclat lui-même, par la vibration de nos couleurs », ce qui est à proprement parler une quête expressionniste. Le célèbre Docteur Paul Gachet (6 et 7 juin 1890 ; musée d’Orsay, Paris) – « il est plus malade que moi à ce qu'il m'a paru,[...]
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Écrit par
- Robert FOHR : historien de l'art
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Médias