VAN GOGH ET GAUGUIN (expositions)
Les neuf semaines passées ensemble par Paul Gauguin et Vincent Van Gogh à Arles, entre la fin octobre et la fin décembre 1888, ont toujours été considérées comme un des épisodes majeurs du post-impressionnisme : d'abord par l'union de deux de ses personnalités les plus marquantes, à un moment crucial, pour chacune, de son évolution artistique et personnelle, ensuite par le nombre et la qualité des œuvres, souvent sur des sujets identiques ou analogues, enfin par sa fin brutale, l'automutilation de Van Gogh et le départ précipité de Gauguin qui annoncent le suicide du premier, en juillet 1890, et la fuite perpétuelle de l'autre, qui s'achèvera une quinzaine d'années plus tard en Polynésie. Aussi les rétrospectives consacrées tant à Gauguin qu'à Van Gogh ont-elles toujours fait une large place à cet épisode arlésien. L'originalité de l'exposition organisée par l'Art Institute de Chicago (22 septembre 2001-13 janvier 2002) et le Van Gogh Museum, à Amsterdam (9 février-2 juin 2002) est d'avoir délibérément insisté sur les rapports entretenus par Van Gogh et Gauguin, et d'avoir donc orienté la réflexion dans une perspective comparatiste, ce qui n'avait jamais été fait.
L'ampleur (près de cent cinquante œuvres rassemblées) et surtout la qualité des tableaux présentés ont rendu unique cette exposition. Le plaisir du visiteur était ainsi d'abord purement visuel, et à vrai dire presque sensuel tant le choix des œuvres avait été fait aussi bien dans la perspective d'une analyse historique que dans celle d'une manifestation ouverte au plus large public. Les surprises, heureuses, ne cessaient de se succéder : bien sûr celle de voir ou de revoir les tableaux parmi les plus célèbres des deux artistes, souvent en plusieurs versions, Tournesols, Arlésiennes et Autoportaits de Van Gogh, Vision après le Sermon, La Perte du pucelage ou Les Aïeux de Tehamana de Gauguin ; s'y ajoutait la découverte de toiles peu connues, comme celles qui sont conservées dans les collections russes et peu montrées jusqu'ici dans les musées occidentaux.
Ce spectaculaire rassemblement, dont on peut légitimement douter qu'il soit renouvelé, se justifiait par le projet ambitieux des commissaires : certes, étudier d'abord ces quelques semaines cruciales vécues à Arles, mais encore les inscrire dans la continuité de l'évolution artistique propre de chacun des deux peintres. Le plan adopté pour l'exposition était donc purement chronologique, jouant systématiquement, à l'intérieur de chaque section, du rapprochement ou de l'opposition. On partait des « origines » pour étudier ensuite les premiers contacts entre les deux artistes, et la démarche qui les fit tout deux s'éloigner de Paris, Gauguin en Bretagne, à Pont-Aven, Van Gogh à Arles. Venait ensuite, au cœur du parcours, l'objet même de l'exposition, les mois d'octobre, novembre et décembre 1888.
On sait que le départ de Gauguin n'interrompit pas toute correspondance entre les deux artistes, et que le suicide de Van Gogh n'empêcha pas Gauguin d'être à jamais marqué par son expérience arlésienne : l'exposition se terminait ainsi par une longue section consacrée à « l'atelier des tropiques », prolongement ou accomplissement des ambitions et des rêves de « l'Atelier du Midi ». Les commissaires, Douglas Druick et Peter Kort Zegers, n'ont donc pas craint d'aborder un sujet neuf d'une manière extrêmement traditionnelle, en s'appuyant sur une étude biographique et matérielle la plus précise possible, fondée sur l'analyse des sources documentaires, les œuvres elles-mêmes, mais aussi les écrits, abondants, de Gauguin et de Van Gogh, en allant jusqu'aux articles de la presse locale et aux relevés météorologiques. La qualité du propos était évidente pour le visiteur : on notera ainsi le dossier consacré[...]
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Écrit par
- Barthélémy JOBERT : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne
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