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VAN MANDER CAREL ou KAREL (1548-1606)

De nombreux Flamands se réfugièrent dans les Pays-Bas du Nord à cause de leur sympathie pour les réformés lors des troubles politico-religieux des années 1580, et parmi eux des artistes dont Carel van Mander, Coninxloo, Savery. Après s'être formé un temps chez Lucas de Heere à Gand puis chez Pieter Vlerick à Courtrai et à Tournai, Van Mander se rend en 1573 en Italie, où il demeure — surtout à Rome, mais à Florence il verra Vasari — jusqu'en 1577. Ayant fait à Rome la rencontre, décisive pour son orientation maniériste, de Spranger qui lui transmet l'art parmesanesque, il le rejoint à Vienne où il travaille aux décorations triomphales érigées en l'honneur de Rodophe II. Son établissement définitif à Haarlem en 1583 après des haltes en 1581 et 1582 à Courtrai et à Bruges, d'où il fuit à cause des troubles politico-religieux, est d'une importance capitale, car Van Mander va rencontrer ainsi Goltzius et lui révéler le stimulant message de Spranger qui le fascine immédiatement ; ensemble ils fondent et animent avec Cornelis van Haarlem la célèbre Académie de dessin de Haarlem, où, pour la première fois en Hollande, l'étude du nu est pratiquée d'après un modèle vivant. Stylistiquement, Van Mander participe alors de ce maniérisme virtuose et exacerbé mis à la mode par Spranger et Hans von Aachen, qui aura en Hollande tant de conséquence et de succès, mais avec une note d'éclectisme gracieux et élégant qui lui vient de sa culture italienne (Parmesan). Ainsi laisse-t-il des scènes chatoyantes et souplement peintes dans de vastes paysages agréablement balancés comme Joseph et ses frères devant Pharaon (Dunkerque), la Prédication de saint Jean (1597, Hanovre), à rapprocher des premiers paysages maniéristes de Bril, ou bien encore la charmante Adoration des bergers de Haarlem (1598), d'un luminisme pittoresque néo-bassanesque mais plus intime et qui préfigure d'une certaine façon la familiarité réaliste des nocturnes de Rembrandt. Plus encore que peintre, Van Mander est dessinateur et bon nombre de ses dessins ont été gravés, à l'époque même, par J. Matham, J. Saenredam ou J. de Gheyn, entre autres. Dans certaines œuvres, surtout après 1590, après la dissociation du trio haarlemois, causée par le départ de Goltzius pour l'Italie, Van Mander s'est livré, avec électisme et parallèlement à la nouvelle évolution naturaliste de Goltzius, à des exercices très différents, optant parfois pour une sorte de réalisme populaire à la flamande qui le rapproche, dans ses Kermesse par exemple, de Vinckboons (un dessin à l'École des beaux-arts de Paris).

Peintre agréable, trop rapidement jugé comme une faible personnalité — l'éclectisme n'est pas a priori une tare ! — et qui en outre a eu le mérite d'avoir le jeune Frans Hals dans son atelier vers 1600, Van Mander est plus connu de nos jours pour son célèbre Livre des peintres. Paru en 1604, ce précieux recueil de biographies d'artistes nordiques, de Van Eyck aux contemporains mêmes de Van Mander, constitue pour cette période de deux siècles si riches la base essentielle et irremplaçable de nos connaissances actuelles. Fort anecdotique mais étonnamment fondé sur une information personnelle puisée aux sources — ici, la démarche de Van Mander est celle d'un historien honnête aux méthodes d'investigation déjà modernes, et peut-être les ravages des désordres iconoclastes l'avaient-ils ému —, l'ouvrage de Van Mander est l'équivalent pour les écoles du Nord des Vite de Vasari pour les artistes italiens de la Renaissance.

— Jacques FOUCART

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Écrit par

  • : conservateur des Musées nationaux, service d'études et de documentation, département des Peintures, musée du Louvre

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