VANBRUGH sir JOHN (1664-1726)
Personnage déconcertant par la multiplicité de ses activités. Très lié à la haute société anglaise, Vanbrugh œuvra dans le climat de la Restauration du temps de la reine Anne. En étroite collaboration avec Hawksmoor, il poussa à leurs extrêmes conséquences les propositions baroques de l'art de Wren. Sa puissance créative fut à l'origine de majestueuses compositions qui trouvent leur expression dans une suite de palais et de demeures grandioses. En outre, son goût du pittoresque et sa volonté d'interprétation du répertoire médiéval apparaissent comme les prémices d'une sorte de romantisme.
Fils d'un riche industriel d'origine flamande, Vanbrugh reçut une éducation classique et voyagea en France avant d'embrasser la carrière des armes. Officier, il aborda vers 1696 la vie littéraire en écrivant des pièces amusantes et superficielles, inspirées des auteurs français. C'est peut-être le théâtre qui lui donna tardivement l'occasion de s'intéresser à l'architecture. Il fut en effet chargé de la construction de la Queen's Opera House de Haymarket (réalisée en 1705). Mondain et brillant, membre du parti whig et du Kit-Kat club, il fréquentait la noblesse et la riche bourgeoisie londonienne. Dès sa première œuvre, Goose-Pie House (1699, détruite en 1906), il impose les caractéristiques de son style : importance donnée au cube (module de la composition), traitement vigoureux des masses et du décor, dissonance méditée entre les parties ; formes bizarres que certains critiques jugèrent « monstrueuses ». Vers 1700, lord Carlisle fit appel à lui pour la construction de Castle Howard, Yorkshire (1701-1715), sa plus harmonieuse création. Au centre de la composition se dresse le corps de logis, relié par deux bras arrondis aux ailes plus basses des communs qui se développent autour de cours secondaires. Sur le jardin, le jeu des façades, à l'arrière desquelles se trouve une enfilade de vastes appartements, est beaucoup moins mouvementé. À l'intérieur, le grand hall, avec ses hautes arcades et sa coupole sur pendentifs, évoque l'ordonnance de quelque église romaine. L'ensemble du bâtiment conserve l'équilibre et la gradation du baroque. Grâce à l'appui de Carlisle, Vanbrugh obtint la charge de contrôleur des Travaux du roi. À la même époque, ses attaches politiques avec John Churchill, duc de Marlborough, lui valurent d'être désigné pour la construction de Blenheim, le palais que la reine Anne et la nation avaient donné au général pour la victoire de Höchstädt-Blenheim, remportée sur les troupes françaises. Reprenant le parti de Castle Howard, il déploya de façon magistrale et sur une échelle colossale une demeure où l'on retrouve des échos de la villa palladienne avec ses ailes déployées, de l'ordonnance de la cour d'honneur de Versailles et des brillantes créations élisabéthaines. De lourdes colonnades surbaissées relient le corps de logis principal, qui abrite une suite de grands salons, aux ailes latérales. Ce qui domine, c'est l'interpénétration des volumes (« les masses, en forme de bloc, semblant naître les unes des autres » a écrit E. Kaufmann) et l'étrangeté des superstructures qui confèrent au palais un aspect presque fantastique. En conflit avec Sarah Churchill, duchesse de Marlborough, Vanbrugh dut se retirer en 1711, et ce fut Hawksmoor qui acheva l'immense demeure. De plus, la situation officielle de Vanbrugh subit le contrecoup de la disgrâce du duc de Marlborough. Pour sa propre maison de Blackheath (1717-1718), il donna une austère interprétation de l'art médiéval. Après 1720, il bâtit encore plusieurs châteaux, Eastbury, Seaton Deleval et Grimthorpe, où il mit en œuvre un ordre rustique dorique, proche de celui qu'avait utilisé Salomon de Brosse au palais du Luxembourg[...]
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Écrit par
- Monique MOSSER : ingénieur au C.N.R.S., enseignante à l'École nationale supérieure d'architecture de Versailles
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ANGLAIS (ART ET CULTURE) - Architecture
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