VANES
Dans la mythologie du Nord, les Vanes constituent avec les Ases les deux grandes familles de dieux. Mais, encore plus que pour ceux-ci, leur origine et le sens de leur nom même sont obscurs. Ils sont comparativement moins nombreux : Njördhr et ses enfants Freyr et Freyja et, peut-être, Hoenir.
Leur ambivalence sexuelle est curieuse. Njördhr, qui est un homme pour les Eddas, est présenté par Tacite comme une femme, sous le nom de Nerthus, à qui un culte processionnel était régulièrement voué, culte qui comportait notamment l'immersion finale de l'idole dans un lac sacré : cette coutume doit être fort ancienne, elle se retrouve çà et là dans le folklore et est plaisamment rapportée dans un petit récit islandais de la fin du xiiie ou du début du xive siècle, Ögmundr Tháttr dytts. L'accent mis sur la sexualité est d'ailleurs caractéristique des Vanes, comme en témoigne une amulette phallique (de Freyr sans doute) qui est sans équivoque et a été retrouvée en Suède : cela évoque naturellement les innombrables personnages phalliques ou les scènes de hiéros gamos (ce dernier thème, d'ailleurs, est repris dans un très beau poème eddique, le Skírnisför, dont l'interprétation dans un sens animiste est aisée) qui figurent dans les gravures rupestres de l'âge du bronze scandinave (~ 1500 à 400). L'archéologie confirme que le culte de Njördhr-Nerthus est nettement plus ancien que celui de Freyr-Freyja, ce qui laisserait supposer que ce dernier couple aurait supplanté ou perpétué le premier.
Quoi qu'il en soit, les Vanes sont des divinités typiques de la fertilité ou de la fécondité, partant, du culte des morts et donc, naturellement ou par raccroc, de la magie.
Divinités de la fertilité-fécondité, ils seraient représentatifs d'une culture agricole, d'une société paysanne aux intérêts matériels prononcés. Par là, on pourrait tenir qu'ils correspondent à un moment de l'histoire du Nord antérieur à l'invasion de peuplades belliqueuses armées de haches de guerre (~ 2000 env.). L'arrivée des envahisseurs aurait provoqué une guerre qui fut d'une rare violence, puisqu'elle a laissé des échos dans une demi-douzaine de textes différents, et qui n'aurait pas eu de conclusion décisive. Ases et Vanes auraient conclu un traité de paix, échangé des otages et vécu ensuite en bonne intelligence, jusqu'à se prendre les attributs et fonctions les uns des autres, ce qui explique la confusion qui, d'un point de vue structuraliste, règne dans le panthéon nordique, tel qu'il nous est présenté par Snorri Sturluson par exemple.
Divinités des morts, les Vanes seraient à mettre en liaison avec le bateau, qui a joué un rôle capital non seulement, comme il va de soi en ces pays, dans la vie courante, mais aussi dans l'univers mental : les morts s'en allaient dans l'Autre Monde en bateau, ce pourquoi on les inhumait dans des bateaux-tombes — comme celui d'Oseberg en Norvège — ou dans des sépultures recouvertes de pierres dressées dessinant l'image d'un bateau vu de haut (skibsaetninger). Njördhr est censé habiter à Nóattún (Clos-des-Nefs) et l'un des attributs merveilleux de Freyr est le bateau Skidhbladhnir, dont la description suggère l'idée d'un bateau processionnel démontable et transportable. Dieux des bateaux, les Vanes sont aussi les dieux des tertres funéraires qui, aujourd'hui encore, parsèment le sol du Nord : les bateaux-tombes étaient souvent recouverts de tertres, et l'Ynglinga Saga dit expressément que le dieu Freyr fut inhumé de la sorte après sa mort.
La liaison avec la magie, qui vraisemblablement dérive, en outre, de fortes influences chamanistes, va de soi. Il est précisé à plusieurs endroits que Freyja est maîtresse du sejdhr, cet ensemble d'opérations magiques destinées à[...]
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Écrit par
- Régis BOYER : professeur émérite (langues, littératures et civilisation scandinaves) à l'université de Paris-IV-Sorbonne
Classification
Média
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