BEECROFT VANESSA (1969- )
Les performances organisées par cette italienne née à Gênes en 1969 et résidant actuellement à Los Angeles (Californie) ont durablement défrayé la chronique dans les années 1990. Si rares sont ceux à avoir assisté à ses « grands-messes », l'artiste s'est toujours plu à dilater les formats de ses photographies et à filmer ses « tableaux vivants » avec une esthétique affirmée. Dès 1993, date de ses premières expositions, Vanessa Beecroft travaille en effet le « corps » comme matériau, à partir de modèles vivants. Ses premières femmes-objets sont le plus souvent affublées de la même perruque, de vêtements identiques, obéissant aux archétypes féminins. L'artiste leur demande expressément de n'adopter aucune pose expressive, de ne pas sourire. Ses compositions vivantes et hiératiques sont uniformément montrées en station debout ou parfois simplement en situation d'attente. Mais ses performances ne laissent pas le public aussi imperturbable que ses « girls ». La critique fuse et s'émeut de l'instrumentalisation subversive que Beecroft opère sur ses modèles. Celle-ci s'en défend : « Dans mes performances j'aime donner aux filles un sentiment de puissance, les mettre dans des conditions où elles ont vraiment un pouvoir pendant quelques heures. » Progressivement, en jouant d'une homogénéisation par le port d'un simili-uniforme imposé aux jeunes femmes de taille et de morphologie différentes, l'art des tableaux vivants de Beecroft bascule dans une récupération plus versatile de l'univers de la mode. La jeune artiste se fait sponsoriser par des marques et réalise de très photogéniques armadas de mannequins, presque inhumains, moulés dans des maillots de bain. La subversion consistait dans ce cas précis à laisser un modèle totalement nu au sein du groupe. Répondant aux critiques lui reprochant un sexisme latent, Beecroft photographie ses premiers hommes, mise en scène de « boys » de l'U.S. Navy, rendus impeccablement lisse par leur uniforme et par la pause militaire (VB39, 1999).
En 2001, elle tourne au palais ducal de Gênes une hallucinante cène composée d'un dégradé de femmes, de la plus âgée à la plus jeune, de la plus habillée à la plus nue, de la plus colorée à une monochromie chair. Celles-ci, installées à une table transparente, goûtent pendant cinq heures des mets qui leurs sont apportés en fonction d'accords chromatiques : VB48 (2001) est à la fois une mise en scène d'un cérémonial décadent croisant l'iconographie des tableaux de la Renaissance et une situation de science-fiction. L'œuvre fait aussi écho à l'histoire personnelle de l'artiste touchée par des désordres alimentaires ; de 1985 à 1993, elle rédigea Despair où elle notait à la minute près toute nourriture qu'elle absorbait. La lecture de son œuvre se détache alors singulièrement d'un joug critique envers les diktats de la mode et de l'industrie de la beauté pour prendre une tournure bien plus subjective.
Partie d'une supposée critique de la société du spectacle, encensée autant que vilipendée dans les années 1990, l'œuvre de Vanessa Beecroft prend, à partir des années 2000, une approche plus « politique ». En 2007, elle réalise la performanceVB61 Still Death ! Darfur Still Deaf ? Des dizaines de femmes d'origine soudanaise peintes en noir gisent au sol sur un drap blanc, arrosées de peinture rouge par l'artiste, pour une démonstration simpliste et navrante du génocide du Darfour. La sincérité de son engagement a été encore malmenée après qu'elle s’est fait photographier dans un orphelinat au Soudan, posant avec deux jumelles (2006), dans une pose oscillant entre madone allaitant et figure féminine digne de Klimt. VB65 (2009, Padiglione d'Arte Contemporanea à Milan) est une variation de[...]
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Écrit par
- Bénédicte RAMADE : critique d'art, historienne de l'art spécialisée en art écologique américain
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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