VANOISE
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Le massif de la Vanoise, situé dans les Alpes du Nord, est ceinturé par deux faisceaux de vallées : au nord, la Tarentaise (haute Isère et Doron de Bozel), au sud, la Maurienne (Arc et Doron de Termignon). Entre ces deux vallées, se sont développés une vie traditionnelle montagnarde, des impacts industriels, la pénétration du tourisme. La Vanoise, ce sont les sommets perçus par les citadins, convoités par les alpinistes. Grâce au parc national constitué en 1963, le terme de Vanoise se superpose aux deux autres appellations.
Le massif de la Vanoise révèle une architecture complexe. La nappe charriée, dite briançonnaise, s'y est déployée à l'ère tertiaire en contrebas du massif interne du Grand Paradis. Dans l'épais manteau de schistes, l'érosion a modelé un réseau de vallées, resserrées vers l'aval (Moûtiers ou Saint-Jean-de-Maurienne) et évasées vers le haut en longs versants et en vastes corbeilles à l'étage des alpages. Au cœur de la nappe, des noyaux cristallins métamorphiques se sont dégagés en hauts reliefs entre 3 500 et 3 850 mètres : mont Pourri et Bellecôte, Péclet et Chasseforêt, ainsi que l'écaille calcaire de Grande Casse (3 852 mètres) et Grande Motte.
Ce fut un univers de civilisation paysanne spécifiquement montagnarde, des siècles d'exploitation étagée des versants : champs et vergers en bas, bandeau forestier, immenses alpages. Le paysage est ainsi humanisé par une longue imprégnation d'économie autosuffisante, marquée notamment par les remues des troupeaux accompagnant l'exploitation de tous les étages de la montagne. Cette tradition pastorale, étudiée au début du xxe siècle par les géographes Jean Brunhes et Philippe Arbos, est vivace.
L'industrie y est moins marginale qu'on peut le penser. Certes l'industrie lourde électrochimique est l'illustration de la seconde révolution industrielle, celle de la mobilisation de la houille blanche, à partir de 1890. Ses installations ont gagné ponctuellement l'amont (Moûtiers, Saint-Jean et Saint-Michel de Maurienne, Modane), allant jusqu'à Bozel. Restructurée, elle s'est rétractée sur de rares implantations. En revanche, les emprises E.D.F. sont énormes : prises d'eau, conduites forcées, barrages, centrales (dispositif complet à Tignes, nombreuses adductions vers les réservoirs de Roselend et Mont-Cenis).
L'économie touristique s'est d'abord infiltrée discrètement, puis s'est imposée en une vague de fond massive.
Il n'y eut longtemps que Brides et ses bains (1840) et Pralognan comme but de promenade et base d'alpinisme (1870). La villégiature gagne timidement quelques villages avant 1914, puis est à l'origine, vers 1938, du village résidentiel de Méribel construit sur le modèle de Megève.
La révolution vient de la démocratisation du ski alpin après 1930. Tignes et Val d'Isère permettent d'accéder, dès 1931, à d'immenses domaines d'altitude. Le repérage des Trois Vallées est fait en 1938-1942. Désormais, on skie dans les alpages et l'on construit les stations au pied des pistes.
Expérience singulière, ancrage d'une nouvelle façon d'habiter la montagne pour le loisir, la station de Courchevel est conçue en 1946. Elle sert de référence, après 1960, aux « stations intégrées » : La Plagne, Les Menuires, Les Arcs, Le Mottaret relayant Méribel, Val Thorens, Valmorel... La Tarentaise devient le plus grand domaine skiable équipé du monde, offrant 300 000 lits en hiver (et 70 000 lits en Maurienne), pour une population de près de 60 000 habitants, soit un tiers de la capacité française en hébergement de sports d'hiver et près de 50 p. 100 du parc des remontées mécaniques.
En contrepoint, après trente ans de débat, le parc national de la Vanoise a été le premier espace protégé de ce type en France. Sur 52 800 hectares couvrant tous les hauts massifs, c'est une aire de protection de la faune, de la flore et des paysages, gérée par un établissement public. Il contribue à soutenir le pastoralisme traditionnel et se propose, malgré les contraintes de sa mission de préservation, de promouvoir le tourisme en montagne et de mener un patient travail pédagogique.
On ne peut imaginer ailleurs une juxtaposition aussi éclatante d'un équipement industriel et touristique massif en montagne et d'une politique rigoureuse de valorisation d'un patrimoine naturel ceinturé par la modernité.
Bibliographie
L. Chabert, J. Champ & P. Préau, Un siècle d'économie en Savoie 1900-2000, La Fontaine de Siloé, Montmélian, 2001
I. Mauz, Histoire et mémoires du Parc national de la Vanoise, 1921-1971 : la construction, Institut de géographie alpine, Grenoble, 2003
P. Préau, L'Esprit des lieux : le roman de la Savoie, La Fontaine de Siloé, 1992.
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Écrit par
- Pierre PRÉAU : professeur émérite, université de Savoie (géographie)
Classification
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Autres références
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ÉCOLOGISTE MOUVEMENT
- Écrit par Encyclopædia Universalis et Bruno VILLALBA
- 12 528 mots
- 5 médias
...Jean Carlier, mobilise des naturalistes puis l’opinion publique pour empêcher la réalisation d’un vaste projet touristique dans le parc national de la Vanoise. Avec la toute jeune Fédération française des sociétés de protection de la nature, fusion des principales organisations de défense de la nature,...
Voir aussi