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VARIATION, biologie

Peut-on distinguer l'inné de l'acquis ?

Dans ce qui précède, on a opposé variation héréditaire, pour une large part génétique, et variation non héréditaire, d'origine environnementale. On ne peut manquer d'évoquer à ce propos la vieille opposition entre inné et acquis. De quoi s'agit-il exactement ? Étymologiquement, un caractère inné est présent à la naissance de l'individu, tout autre caractère étant, par élimination, acquis. Si l'on s'en tient strictement à ces définitions, l'opposition n'a pas de sens, comme le montrent bien deux exemples. Un rat dont la mère a reçu pendant la gestation une alimentation enrichie en ail manifeste après la naissance un goût pour l'ail que n'ont pas les autres rats, goût qui, bien que présent dès la naissance, est acquis : il est tout simplement arbitraire de fixer à la date de la naissance l'origine au-delà laquelle les caractères doivent être considérés comme acquis. Autre exemple, la chorée de Huntington est une maladie héréditaire grave de l'espèce humaine. Cependant, elle ne se déclare jamais avant un âge de quelque quarante ans. Est-ce pour autant un caractère acquis ? Évidemment non : chez certains individus, et chez eux seuls, la maladie est, du fait de leur génotype, inéluctable dès la conception. En réalité, opposer l'inné et l'acquis revient, en termes scientifiques modernes, à opposer le génétique au non génétique.

S'il est relativement aisé de savoir, dans le cas d'un caractère simple, s'il est ou non déterminé génétiquement, c'est bien plus difficile dans le cas de caractères complexes. D'où, pour les caractères psychiques ou, plus généralement, comportementaux, de vives controverses, d'une particulière âpreté à propos de l'espèce humaine. Quelques étapes de leur histoire sont présentées ici.

Les conceptions répandues au xviie siècle ne différaient qu'assez peu de celle, à vrai dire caricaturale, de Descartes, selon laquelle le corps d'un homme ou d'un animal n'était qu'une machine à fonctionnement strictement mécanique, inné, l'homme s'opposant toutefois à tous les animaux par la possession d'une âme apte à commander à la machine. En langage moderne, cela revient à dire que le comportement de l'animal est génétiquement déterminé en totalité, alors que celui de l'homme, pour une très large part raisonné, échappe à un strict déterminisme génétique. Ces conceptions, plus métaphysiques que scientifiques, devaient être ébranlées par la prise de conscience, dès le xviiie siècle, de la place naturelle de l'espèce humaine dans la classification animale, et plus encore, au xixe siècle, par la reconnaissance, grâce à Darwin, de son émergence progressive à partir de formes ancestrales incontestablement animales. Il apparut ainsi qu'il n'y avait pas de différence de nature entre les comportements des animaux et de l'homme, d'où la possibilité d'étendre à celui-ci certaines au moins des conclusions tirées de l'observation ou de l'expérimentation animales.

Dès la fin du xixe siècle, des éléments simples du comportement animal furent mis en évidence, des réactions d'orientation, ou taxies, vis-à-vis d'un facteur physique ou chimique (lumière, température, concentration en oxygène, etc.). On connaissait par ailleurs des réflexes, comme celui du retrait, indépendant de toute sensation de douleur, d'un membre dont on brûle l'extrémité. Taxies et réflexes paraissaient innés et inaltérables. On crut pouvoir considérer le comportement animal comme la simple addition de nombreux réflexes et taxies, conception dite mécaniste, proche de celle de Descartes. D'autres expériences montrèrent toutefois que ces éléments simples n'étaient pas tous inaltérables.[...]

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