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NIJINSKI VASLAV (1889-1950)

Le triomphe des Ballets russes

Fruit de deux semaines de travail acharné au Théâtre du Châtelet, l'enchantement des Ballets russes, le 18 mai 1909, subjugue le Tout-Paris. Un tonnerre d'applaudissements accompagne le fabuleux saut de Nijinski – vêtu par Benois à la manière de Vestris dans Le Pavillon d'Armide –, puis ses pirouettes, brisés-volés, entrechats-dix et triples tours en l'air dans L'Oiseau bleu et dans la lezghinka (célèbre danse géorgienne) du Festin (une suite d'extraits de ballets et de divertissements d'opéra). Cléopâtre et Les Sylphides révèlent, le 2 juin 1909, les dons lyriques du danseur. Presse et public rivalisent d'enthousiasme. Anna Pavlova, Tamara Karsavina et Vaslav Nijinski reçoivent les palmes académiques et sont invités dans la haute société. Lors de la saison donnée à l'Opéra de Paris en 1910, Nijinski interprète tour à tour le prince Albert de Giselle (chorégraphie de Jules Perrot, musique d'Adolphe Adam) puis l'esclave d'or voluptueux et félin de Schéhérazade (chorégraphie de Michel Fokine, musique de Nikolaï Rimski-Korsakov, décor de Léon Bakst). Son choix de porter, au Mariinski comme à Paris, le costume de Benois sans la courte et pudique culotte scandalise l'impératrice mère, et provoque en 1911 son exclusion des théâtres impériaux, que vont suivre son départ définitif de Russie et son triomphe à travers l'Europe. En fait, l'artiste n'appréciera jamais l'emploi, banal à ses yeux, de prince du répertoire classique. Les Ballets russes de Diaghilev deviennent son écrin et le foyer de sa créativité.

Vaslav Nijinski dans <it>Petrouchka</it> - crédits : AKG-images

Vaslav Nijinski dans Petrouchka

Apportant un soin extrême à son maquillage, au port de ses costumes, Nijinski, viril mais doté d'un charme androgyne, possède un génie exceptionnel de métamorphose corporelle et spirituelle. Développant celui-ci, il est tour à tour Le Spectre de la rose (chorégraphie de Fokine, musique de Carl Maria von Weber et Hector Berlioz, 1911), esprit éthéré et impondérable, la pitoyable marionnette de Petrouchka (chorégraphie de Fokine, musique d'Igor Stravinski, décor et costumes de Benois, 1911), l'exotique Dieu bleu (chorégraphie de Fokine, musique de Reynaldo Hahn, 1912), le pâtre ingénu de Daphnis et Chloé (chorégraphie de Fokine, musique de Maurice Ravel, décor de Bakst, 1912). Déjà lassé de Fokine, Diaghilev rêve de révéler en Nijinski un chorégraphe novateur. Il l'a entraîné à Hellerau, en Allemagne, à la découverte de la danse rythmique de Jaques-Dalcroze, et dans les musées italiens. Mais c'est dans le département égyptien du Louvre que Nijinski va puiser l'esthétique du Prélude à l'après-midi d'un faune dont la gestuelle, anguleuse et saccadée, contraste hardiment avec la fluide partition de Claude Debussy inspirée par le poème de Mallarmé. Le scandale parisien de la première est immense et culmine avec la pose finale, esquisse de masturbation. Auguste Rodin observe avec enthousiasme : « plus de bonds, rien que les attitudes et les gestes d'une animalité à demi-consciente ». D'innombrables dessins et les photogaphies du baron de Meyer fixent les moments-clés de l'œuvre culte.

Après une gestation difficile, deux autres créations du jeune chorégraphe marquent en 1913 l'inauguration du Théâtre des Champs-Élysées. Exploration stylistique du tennis alors à la mode, pas de trois à la Gauguin selon Bronislava Nijinska, le badinage de Jeux (musique de Claude Debussy, décor et costumes modernes de Bakst) est éclipsé par la bataille du Sacre du printemps lors de sa création le 29 mai 1913. Le chef-d'œuvre barbare de Stravinski deviendra un des emblèmes du xxe siècle et inspirera par la suite d'innombrables chorégraphes, de Béjart à Pina Bausch. Contrepoint brutal et paroxystique, en totale opposition avec les codes de la danse classique, cette[...]

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Écrit par

  • : docteur d'État ès lettres, conservateur honoraire à la Bibliothèque nationale de France, écrivain et critique

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Vaslav Nijinski dans <it>Petrouchka</it> - crédits : AKG-images

Vaslav Nijinski dans Petrouchka

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