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NESTERENKO VASSILI (1934-2008)

Le physicien biélorusse Vassili Borissovitch Nesterenko restera dans l'Histoire comme un ardent défenseur des victimes de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl. Né le 2 décembre 1934, dans le village de Krasny Kout, dans la province de Lugansk, en Ukraine, Nesterenko est diplômé de l'université de technologie de Moscou en 1958 puis suit les cours supérieurs de l'Institut des moteurs de l'Académie nationale de l'U.R.S.S. En 1963, il est alors embauché pour diriger un laboratoire de l'Académie des sciences de Biélorussie. En 1968, il soutient sa thèse de doctorat et est nommé constructeur général de l'armée en 1972. Nesterenko pilote un programme de recherche secret, consistant à mettre au point une centrale nucléaire miniature destinée à alimenter en énergie des bases mobiles de lancement de missiles intercontinentaux SS-20 et SS-25. Vers 1985, son équipe réalise une centrale d'une puissance de 700 kW, utilisant un uranium très enrichi et pouvant être déplacée n'importe où dans quatre camions ou hélicoptères dont l'un est affecté au transport du réacteur nucléaire. Deux exemplaires de cette centrale mobile sont déjà fabriqués et la production en série est programmée au rythme de vingt réacteurs par an lorsque survient l'accident de la centrale nucléaire ukrainienne de Tchernobyl, le 26 avril 1986. Cette catastrophe interrompt brutalement la brillante carrière de Nesterenko au sein du complexe militaro-industriel nucléaire de l'Union soviétique. Dans les jours qui suivent l'accident, il survole en hélicoptère la centrale détruite et mesure l'épouvantable ampleur du dégagement de matières radioactives. Au mépris des consignes reçues, il réoriente toute l'activité de son laboratoire vers l'analyse des conséquences sanitaires du sinistre. Conscient du degré de contamination des terrains avoisinants, il est parmi les premiers à prôner l'évacuation de la zone entourant la centrale. Mais son honnêteté scientifique n'est pas du goût des dirigeants soviétiques, et sa vigilance dénuée de préoccupations politiques lui fait perdre ses postes officiels.

Avec l'aide d'O.N.G. occidentales et le soutien de personnalités comme Andreï Sakharov et le champion d'échecs Anatoli Karpov, il fonde en 1990 l'Institut indépendant de protection radiologique Belrad. Ses talents de physicien et d'organisateur permettent à l'institut Belrad de mener des campagnes approfondies sur les enfants des régions contaminées. Par un réseau de plusieurs centaines de correspondants et d'infirmières dans des villages à travers la Biélorussie et par l'usage de spectromètres spécifiquement conçus pour analyser l'accumulation des radionucléides dans le corps humain, les équipes de l'institut Belrad démontrent la persistance de la contamination radioactive des habitants, entretenue par l'alimentation (champignons, lait, baies de la forêt, etc.). Cet engagement est sans cesse en butte aux tracasseries administratives locales et Nesterenko échappe à deux tentatives de meurtre. Les autorités biélorusses tentent de faire condamner par la justice l'institut Belrad et ses responsables pour « violation de la législation dans le domaine de recherches sur la radioprotection et la diffusion des informations sur les résultats de ces recherches ». Sur le plan international, le soutien de plusieurs associations humanitaires vient heureusement compenser la constante hostilité de ce qu'il faut bien appeler le lobby nucléaire mondial et l'extrême lenteur de la reconnaissance scientifique par la communauté des radiotoxicologues. Sur le plan médical, l'institut Belrad adopte et fait utiliser avec quelque succès un traitement consistant en l'absorption de fortes doses de pectine de pommes qui agit comme adsorbant du césium radioactif et permet[...]

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Écrit par

  • : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau

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