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ROZANOV VASSILI VASSILIEVITCH (1856-1919)

Issu de famille pauvre, étudiant à Moscou, puis professeur en province, Vassili Vassilievitch Rozanov écrit De la compréhension (O ponimanii) en 1886, mais il n'acquiert la notoriété qu'en 1894 après son installation à Saint-Pétersbourg et son entrée à Temps nouveau grâce à un ouvrage sur Dostoïevski, La Légende du Grand Inquisiteur (Legenda o Velikom Inkvizitore, 1891). Il donne ensuite Dans le monde de l'irrésolu (V Mire nejasnogo i nerešennogo, 1904), La Religion et la culture (Religija i kul'tura, 1902), Le Problème de la famille en Russie (Semejnyj vopros v Rossi, 1903), La Métaphysique du christianisme (Metafizika khristianstva, 1911), À l'écart (Vedinennoe). Après 1917, il se réfugie à la laure de la Trinité-Saint-Serge. C'est dans cette dernière période qu'il écrit ses chefs-d'œuvre : Feuilles tombées (Opavšie list'ja, 1913 et 1915), Esseulement (Vedinennoe, 1912 et 1916), Apocalypse de notre temps (Apokalipsis našego vremeni, 1918). D'une grande nouveauté formelle, ces suites de fragments partent du journal intime pour composer « une sorte d'herbier de la parole humaine entendue, bougonnée, proférée, inachevée » (G. Nivat).

Orthodoxe, influencé par les slavophiles, il oppose d'abord le caractère doctrinaire de l'Église occidentale à la clarté et à la joie apportées par l'Église d'Orient. Mais le message orthodoxe n'a pas encore été transmis (d'où la mission de la Russie), et le christianisme historique, tel qu'il s'est réalisé, n'est que le fruit d'un malentendu : l'imitation du Christ a inspiré la recherche de la souffrance, l'adoration de la mort, l'ascétisme. À la religion du Golgotha Rozanov oppose celle de Bethléem : l'enfant dans la crèche et la tiédeur animale de l'étable. Rozanov s'engage alors dans une lutte obstinée contre l'Église, contre le Christ coupable de tuer la vie. À l'Évangile il va opposer l'Ancien Testament, la conception judaïque de la vie, et développer une interprétation anthropologique du mystère de l'être à partir d'une métaphysique du sexe, médiation entre la personne (un fait de portée cosmique) et la nature. Nullement panthéiste (il a une vision mystique de la chair), mais personnaliste, il aspire à une relation avec Dieu au-delà de la rationalité dans une réminiscence, une appréhension de l'âme primitive. Écrivain fantasque, possédé, obscur ou génial, Rozanov exerce une fascination sur ses contemporains par sa sincérité scandaleuse, l'abîme de contradictions qu'il ouvre, la puissance d'un style qui fait de lui un maître de la langue russe. Plus que les critiques positivistes, ses attaques contre l'Église ont permis le renouveau des recherches religieuses. En témoigne son influence sur Merejkovski, sur Berdiaev et sur le père Florenski.

— Alexandre BOURMEYSTER

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Écrit par

  • : agrégé de l'Université, docteur ès lettres, maître de conférences à l'université de Grenoble-III

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Autres références

  • SINIAVSKI ANDREÏ (1925-1997)

    • Écrit par
    • 894 mots

    Andreï Siniavski est né à Moscou en 1925. Chercheur à l'Institut de littérature mondiale de Moscou de 1951 à 1965, il aurait pu être un brillant critique littéraire soviétique, mais il préféra narguer le pouvoir, et ses Récits fantastiques, écrits à partir de 1955 et parus dès 1958...