VATICAN (Ier CONCILE DU)
Positions des groupes en présence
Les controverses qui s'étaient développées au cours de l'année 1869 à propos de l'infaillibilité pontificale, et en particulier une intervention maladroite de Mgr Dupanloup au milieu de novembre, eurent pour conséquence que, très vite après l'ouverture du concile, les Pères commencèrent à se regrouper suivant un clivage idéologique. Beaucoup, très hostiles à l'engouement de leurs contemporains pour le libéralisme, ne redoutaient pas, bien au contraire, que le concile rappelât les principes d'après lesquels devaient être régis selon la doctrine classique les rapports entre l'Église et l'État dans une société chrétienne idéale ; et beaucoup – c'étaient souvent les mêmes, mais pas toujours – souhaitaient une définition solennelle de l'infaillibilité personnelle du pape. Même s'ils n'approuvaient pas toutes les mesures centralisatrices de la curie romaine, il leur paraissait normal qu'on profitât de la réunion du concile pour couper court au réveil des controverses doctrinales autour des prérogatives propres au souverain pontife, qu'en pasteurs assez peu sensibles aux difficultés d'ordre historique ou théologique ils jugeaient parfaitement stériles. Des raisons extra-théologiques renforçaient d'ailleurs souvent leurs convictions, entre autres leur vénération pour Pie IX et leur souci de souligner le plus possible le principe d'autorité dans un monde miné par les aspirations révolutionnaires. Mais le même mélange de considérations d'ordre doctrinal et de facteurs non théologiques incitait d'autres évêques à penser que pareils projets bouleverseraient la constitution traditionnelle de l'Église et paraîtraient menacer la société civile dans ses aspirations les plus légitimes. Certains demeuraient attachés à une conception du magistère ecclésiastique selon laquelle le pape ne peut jamais trancher en fait de doctrine indépendamment d'une ratification par le corps épiscopal. Plus fréquente semble avoir été la préoccupation de sauvegarder la place prévue pour ce dernier dans la structure divine de la hiérarchie ecclésiastique. Par ailleurs, la manière même dont la question de l'infaillibilité était présentée par les journaux ultramontains les plus en vue était de nature à confirmer ceux qui étaient convaincus qu'« on voulait déclarer le pape infaillible dans les matières de foi pour le faire croire infaillible dans les autres », c'est-à-dire concrètement dans celles touchant de plus ou moins près à la politique. Or, tous ceux qui croyaient que l'avenir était, sur le plan politique, aux institutions libérales estimaient que l'Église avait tout à perdre en se présentant comme le champion d'un autoritarisme autocratique (l'incidence de ces préoccupations d'ordre politico-religieux sur l'attitude des opposants à la définition de l'infaillibilité du pape, spécialement du côté français, a été bien mise en lumière par J. Gadille dans l'introduction à son édition des Souvenirs du concile du Vatican d'Albert de Boýs). À cela s'ajoutaient encore des préoccupations d'ordre œcuménique : la définition proposée rendrait plus difficile encore le rapprochement avec les chrétiens d'Orient, renforcerait l'agressivité de certains milieux protestants et risquerait même de provoquer un nouveau schisme dans les milieux intellectuels germaniques, très impressionnés par la campagne anti-infaillibiliste déclenchée par Ignaz von Döllinger. Ceux qui réagissaient de la sorte étaient moins nombreux que le premier groupe – d'où l'expression de « minorité » pour les désigner – mais les plus en vue parmi eux jouissaient d'un grand prestige, soit par leur science théologique, soit par l'importance des sièges qu'ils occupaient : presque tout l'épiscopat d'Autriche-Hongrie,[...]
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Écrit par
- Roger AUBERT : professeur à l'université de Louvain
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