VAUBAN SÉBASTIEN LE PRESTRE DE (1633-1707)
Vauban, inventeur, penseur et réformateur
En dehors de son œuvre militaire, Vauban est à l'origine de nombreuses réalisations dans des domaines aussi variés que l'agronomie, la démographie ou encore les travaux publics. Ses connaissances techniques le conduisent à s'intéresser à la navigation fluviale qu'il considère comme essentielle au développement de l'économie française. Il essaie de faire comprendre au roi que certains travaux, comme l'aqueduc de Maintenon destiné à alimenter Versailles en eau, sont trop onéreux et pourraient aisément être remplacés par des solutions moins prestigieuses et moins coûteuses.
Comme il connaît admirablement le royaume de France qu'il traverse continuellement, Vauban se rend compte des difficultés auxquelles est confrontée sa population, en particulier les paysans, accablés par les guerres et par les impôts. Il cherche avec lucidité des solutions, qu'il consigne tout au long de sa vie dans de nombreux mémoires ou traités intitulés : Mes Oisivetés, ou Pensées d'un homme qui n'avait pas grand-chose à faire. Ces écrits, consacrés aux sujets les plus divers et réunis en une douzaine de volumes, témoignent non seulement des multiples facettes de son intelligence, mais aussi de son esprit de tolérance. Les thèmes y foisonnent et concernent aussi bien les méthodes de construction que le travail dans les mines. Les méthodes préconisées y sont parfois audacieuses : pour connaître la géographie de la région entourant ses terres dans le Morvan (Description géographique de l'élection de Vézelay, 1696), il conduit son enquête en utilisant, c'est une innovation, des formulaires de statistiques. En politique, Vauban demeure pourtant soucieux de l'autorité du roi, tout en étant conscient des erreurs commises par Louis XIV, notamment lors de la révocation de l'édit de Nantes. Dans le Mémoire pour le rappel des huguenots (1686), il énumère les conséquences tragiques pour la France, tant sur le plan humain que sur le plan économique, de cette décision arbitraire.
Soucieux de plus d'équité, Vauban en vient à s'attaquer aux inégalités fiscales, tout d'abord avec son Projet de capitation (1694), puis en rédigeant en 1698 son Projet d'une dixme royale, publié seulement en 1706 et sans l'autorisation du roi. Conclusion logique de l'évolution généreuse et lucide du maréchal, l'ouvrage préconise un impôt fiscal proportionné au revenu et l'abandon des privilèges du clergé et de la noblesse. Louis XIV condamne le livre : Vauban en meurt de chagrin quelques semaines plus tard. En prononçant son éloge funèbre devant l'Académie des sciences en 1707, Fontenelle souligne la clairvoyance du maréchal. Les générations suivantes et notamment les encyclopédistes n'ont pas saisi la modernité de la pensée économique de Vauban. Il faudra attendre le début du xxe siècle et surtout les années 1970-1980 pour que soit enfin reconnue l'originalité des travaux de Vauban dans le domaine économique.
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Écrit par
- Catherine BRISAC : docteur de troisième cycle en histoire de l'art, documentaliste chargée du vitrail à la sous-direction des Monuments historiques, conservateur adjoint du musée des Plans-reliefs
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