VEDA
La religion védique
La connaissance que nous pouvons avoir de la religion védique dépend, on l'a vu, de la seule analyse des textes qui constituent le Veda. C'est dire, compte tenu de la nature exclusivement liturgique et spéculative de ces textes, que l'environnement socio-culturel des milieux où se forma cette religion nous échappe absolument : de la musique, des danses, des spectacles, nous ne pouvons rien dire sinon qu'ils existaient, puisque la langue sanskrite archaïque a des mots pour les désigner. Il y a, par exemple, dans le Ṛgveda, un hymne célèbre qui décrit la déchéance du joueur invétéré : ce sont les dés qui perdent l'homme, dit le poète ; mais quel type de dés ? quelle sorte de jeu ? mystère. Et encore : le Śatapatha Brāhmaṇa commente longuement les rites de la consécration royale, mais sans qu'on puisse décider par là si la monarchie était héréditaire ou élective, si le titre de roi était donné de façon définitive à un individu ou seulement pour le temps d'une expédition militaire. Les spécialistes du Veda (même indiens) ont tant débattu de ces problèmes – et de beaucoup d'autres – sans parvenir à se mettre d'accord !
Cependant, les progrès réalisés depuis le début du xxe siècle dans le domaine des sciences humaines ont permis de mieux éclairer les problèmes, sinon de tous les résoudre. Des savants comme Mauss (Essai sur le sacrifice, 1899 ; Essai sur le don, 1923), Benveniste (Vocabulaire des institutions indo-européennes, 1969), Mircea Eliade (Le Sacré et le profane, 1965), Lévi-Strauss (Anthropologie structurale, 1965) et surtout, pour le domaine qui nous occupe, Georges Dumézil (avec en dernier lieu Mythe et épopée) ont ouvert des voies nouvelles à l'interprétation du Veda qui, trop longtemps, resta du seul ressort des philologues. Bien entendu, le travail de ces derniers est primordial, puisque les documents à étudier sont des textes et l'on sait que la science du Veda est dominée par des noms comme ceux de R. Roth, H. Grassmann, W. Whitney, A. Macdonell, A. Keith, H. Oldenberg, A. Bergaigne, S. Lévi, H. Lüders, L. Renou, pour ne citer que quelques-uns des maîtres disparus, mais il est évident que le secours apporté par la sociologie, l'anthropologie, l'histoire des religions conduit à rouvrir les dossiers que l'on tenait pour clos à jamais : c'est la comparaison avec les autres secteurs du domaine indo-européen qui a donné à Dumézil le moyen de déterminer les rapports entre les dieux « souverains » Mitra, Varuṇa et le « roi des dieux » Indra ; et il est frappant de constater que la controverse sur le soma a été déclenchée par l'ouvrage d'un ethnologue (R. G. Wasson, Soma, 1966) soutenu par Lévi-Strauss (dans la revue L'Homme, 1970). Nul doute que la conception que l'on se fait de la religion védique s'en est trouvée renouvelée, comme l'ont montré les ouvrages qui sont parus par la suite.
Le rituel
Rites domestiques
Il est important d'indiquer d'abord que le védisme est une religion sociale et non pas individuelle. Il a certes pu exister des personnalités capables de sortir du cadre normal des attitudes culturelles requises pour avoir des relations directes et solitaires avec leur divinité d'élection (préfiguration de la bhakti hindouiste), mais ce ne pouvait être que des exceptions confirmant la règle : l'aryen védique était voué, par sa naissance au sein de tel clan patrilinéaire, à des attitudes et à des croyances transmises par voie initiatique, de père en fils, depuis leur révélation première à l'ancêtre mythique, le rishi dont le patronyme (parfois totémique : « clan de la perdrix », « clan de la grenouille », etc.) était conservé comme une sorte de talisman social.
Nulle place n'est donc laissée aux initiatives personnelles,[...]
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Écrit par
- Jean VARENNE : docteur ès lettres, professeur à l'université de Lyon-III
Classification
Média
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