VÉDUTISTES
Les foyers du védutisme au XVIIIe siècle
Rome
L'influence de Van Wittel eut à Rome des conséquences plus importantes et plus directes qu'ailleurs, mais surtout plus immédiates. Son apport fut déterminant pour Panini et pour Hendrik van Lint, qui peut être considéré comme son héritier ; il influença également la formation de Paolo Anesi et d'Alessio de Marchis, qui organisaient à Rome un nouveau cours de peinture de paysage. Les petites vedute de Rome et de la campagne de Van Lint sont exécutées avec une précision d'écriture, une richesse de détails, de pittoresque dans la taille, et avec une certaine grâce naïve. Ce genre de veduta, topographiquement exacte et documentée, apparaît à une époque où les commandes de la part des voyageurs étrangers se font plus nombreuses. Au début du xviiie siècle, le connétable Colonna était encore le principal client de Van Wittel ; plus tard, de nouvelles classes de clients, parmi lesquels les partisans du Grand Tour, domineront et seront des acheteurs avides de vedute de villes italiennes.
Naples
Bien que l'on ne puisse affirmer que Naples ait été une étape indispensable du Grand Tour, il existe sans aucun doute un védutisme napolitain qui a ses propres caractéristiques. Van Wittel en fut l'initiateur : à partir de 1700, il séjourna à plusieurs reprises à Naples où il laissa de nombreux témoignages de sa vision moderne. Le séjour napolitain d' Antonio Joli fut encore plus déterminant pour la tradition du védutisme. Ses vedute de Naples, peintes surtout entre 1762 et 1777, date de sa mort, nous font comprendre comment sa vision vaste et lumineuse, panoramique mais optiquement exacte, sa manière d'évoquer la vivacité colorée de la vie citadine donnent naissance au trait le plus caractéristique du védutisme napolitain des années suivantes. Le paysage traité, dans un registre qui va de l'objectivité optique à l'illustration courante et à la recherche du pittoresque, est accentué chez des artistes comme Pietro Antoniani et Gabriele Ricciardelli, alors que le védutisme napolitain s'enrichit de nouvelles visions de type préromantique.
Venise
Mais le védutisme vénitien est estimé, à juste titre, comme la plus haute expression du genre. Il faut remarquer cependant qu'au cours des dix dernières années du xviie siècle, au moment même de l'arrivée de Van Wittel, il n'existe pas à Venise de tradition védutiste bien définie, car les conditions préliminaires à l'existence d'une telle tradition étaient absentes (par exemple, une iconographie dans le domaine de la peinture ou de la gravure dont l'objet aurait été l'illustration de l'aspect extraordinaire et pourtant célèbre de la cité de la lagune). Cet aspect l'avait rendue illustre depuis plusieurs siècles, et il faut remarquer que le gouvernement sage et averti de la Sérénissime République n'avait jamais négligé de le diffuser, dès le Moyen Âge, ne serait-ce que pour favoriser et augmenter ce qui était sans aucun doute une source de revenu pour Venise : le passage de voyageurs étrangers, le tourisme – pour utiliser un mot moderne qui correspond assez vaguement au phénomène désigné. Bien que cet intérêt incontestable du public ait été amplement reconnu, ce qui porterait à penser que les ressources de la propagande iconographique n'auraient pas dû être négligées, on peut affirmer avec certitude qu'à la fin du xviie siècle et peut-être même plus tard la situation de Venise était, sous cet aspect particulier, très différente de celle de Rome. En fait, elle était caractérisée par un retard important et incompréhensible, si l'on pense à ce que cette lagune a de spectaculaire, d'unique et peut-être aussi de traditionnel dans ses attraits.
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Écrit par
- Giuliano BRIGANTI
:
professore libero docente di storia dell'arte medievale e rinascimentale
Classification
Médias
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