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VÉGÉTARISME

Approches ethnologiques et sociologiques

Ces approches tentent de cerner le profil, les parcours et les orientations de ceux qui pratiquent un régime végétarien. Les analyses statistiques et sociologiques sont rares (voir l'étude pour la France d'Arouna Ouedraogo parue en 2005 ainsi que celle d'Alan Beardsworth et Alan Bryman parue en 2004, qui a suivi un groupe de 637 étudiants d'une université britannique). En revanche, on trouve des sondages menés par différentes sociétés végétariennes nationales auprès des membres qui se déclarent pratiquants ou sympathisants. L'impact du végétarisme peut aussi être mesuré, très indirectement, à partir de la proportion d'achats de produits garantis sans composants animaux. La plupart des sondages donnent la même proportion de pratiquants. Cette proportion est, au début du xxie siècle, d'environ 1 p. 100 pour la Pologne, 2 p. 100 pour la France, 2,5 p. 100 pour la Suisse, 5 p. 100 pour l'Italie, 8 p. 100 pour l'Allemagne, 9 p. 100 pour la Grande-Bretagne. Le résultat obtenu en Pologne peut s'expliquer par la faible proportion de végétariens en pays catholique. De ce point de vue, le pourcentage élevé affiché en Italie est assez étonnant. Sans tomber dans le piège d'une essentialisation des cultures et des pratiques, le végétarisme paraît en effet mieux implanté dans les sociétés occidentales marquées par le protestantisme. L'Association des diététiciens des États-Unis et du Canada (American Dietetic Association) indique, pour sa part, que le taux de végétariens déclarés est de 4 p. 100 pour le Canada et de 2,5 p. 100 pour les États-Unis. Ces estimations concernant le monde occidental montrent la distance qui le sépare de la situation de l'Inde, où les végétariens représentent environ 30 p. 100 de la population ; on observe toutefois, entre les vingt-huit États de l'Union indienne, de fortes variations dues à leur diversité culturelle et religieuse.

Les mêmes sondages ainsi que les études menées par les nutritionnistes sur des groupes spécifiques font également apparaître une nette disproportion entre hommes et femmes, ces dernières occupant le plus souvent les deux tiers des échantillons. La surreprésentation féminine peut être reliée à l'idéal de minceur et de pureté en vigueur dans certaines couches de la population, ainsi qu'à une volonté de se forger une identité nouvelle à partir de tâches traditionnellement dévolues aux femmes. Certaines féministes végétariennes, comme Carol J. Adams, émettent d'autres hypothèses et assimilent la consommation de viande à la chasse et à l'élevage vus comme des activités caractéristiques du pouvoir des hommes sur les femmes. Dans cette perspective plus nettement politique, le végétarisme résonne comme un refus du pouvoir masculin, voire comme un refus du pouvoir tout court et le souhait d'une inversion des hiérarchies et des valeurs dominantes, comme le suggère Julia Twigg.

Même si certaines personnes issues des classes populaires abandonnent parfois le régime carné ou que le marquage en termes de classes sociales n'est pas central dans le milieu estudiantin étudié par Beardsworth et Bryman, les végétariens appartiennent généralement aux classes moyennes et bénéficient d'un assez bon capital de formation. En suivant certaines pistes évoquées dans La Distinction de Pierre Bourdieu, on peut d'ailleurs émettre l'hypothèse que les individus devenus végétariens se livrent à une certaine conversion de leur habitus tout en renforçant des dispositions alimentaires déjà présentes dans leur éducation. Certaines études montrent aussi que nombre de personnes semblent souffrir d'un décalage entre leur capital de formation et leur positionnement social (Ossipow, 1997 ; Ouedraogo, 2005). L'adoption du végétarisme, l'intérêt pour des thérapeutiques dites[...]

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, professeur responsable de la recherche au Centre de recherche sociale de la Haute École de travail social de Genève

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