VELÁZQUEZ DIEGO (1599-1660)
Chevalier de Santiago et prince des peintres
Trop long au gré du roi, ce séjour italien a enrichi la culture artistique de Velázquez ; il lui a certainement permis de découvrir les œuvres de Poussin ou de Pierre de Cortone, et a renouvelé son audace de créateur. Réduite par les charges de plus en plus importantes qui le conduiront à diriger le décor de la rencontre historique de l'île des Faisans en juin 1660, interrompue par sa mort soudaine le 7 août 1660, l'activité picturale de ses dernières années n'est pourtant qu'une suite de chefs-d'œuvre : les nombreux portraits diplomatiques qu'il réalise alors pour la cour d'Autriche témoignent de l'aisance absolue avec laquelle Velázquez transforme les données traditionnelles du portrait de cour. Les portraits de l'infante Marguerite envoyés à la cour des Habsbourg d'Autriche (Kunsthistorisches Museum, Vienne) symbolisent son éclatante virtuosité : souplesse de la touche, choix des couleurs rendues scintillantes par les gris argent, invention de la mise en page qui unit dans une même composition l'infante de trois ans et un simple bouquet. Le visage ingrat et la moue impassible de la reine Mariana de Austria (Prado) sont adoucis par la touche rapide et la virtuosité du traitement de la chevelure. En 1653, les derniers portraits de Philippe IV, en buste (Prado et National Gallery, Londres) nous livrent presque totalement la personnalité de ce roi pour lequel il travaillait depuis trente ans.
Les Ménines (Prado), immense tableau réalisé en 1656, pourraient être une scène de vie quotidienne. Entourée de ses Ménines, l'infante Marguerite pénètre dans l'atelier où Velázquez peint le portrait de ses parents. Mais est-ce bien cela qu'il peint ? La subtilité de la composition, centrée et sur l'infante et sur le miroir qui introduit le spectateur dans la scène, semble servir la glorification du métier de peintre ; présent près des souverains devant son immense chevalet, entouré de tous ses outils, Velázquez « pense » son œuvre. Les Fileuses (ou Fable d'Arachné, Prado) reprennent un jeu semblable entre réalité – la représentation d'un atelier de tapisserie – et le concept sous-jacent qui n'est pas encore totalement élucidé : scène de cour ou fable mythologique ? Seul tableau survivant de sa dernière entreprise décorative pour l'Alcázar – le salon des Miroirs –, Mercure et Argus (1659, Prado) rappelle que Velázquez a toujours donné la première place à la transcription de la réalité. Une réalité aux multiples visages, depuis les humbles jarres des premiers bodegones jusqu'à la sensation du silence qui annonce le meurtre commis par Mercure.
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Écrit par
- Véronique GERARD-POWELL : maître de conférences en histoire de l'art moderne à l'université de Paris-IV-Sorbonne
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Médias
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