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FERREIRA VERGÍLIO (1916-1996)

Considéré comme l'un des plus importants écrivains portugais de son époque, lauréat du prix Camões en 1992, Vergílio Ferreira fut aussi l'un des plus ardents défenseurs des libertés démocratiques, notamment sous le régime autoritaire de Salazar. Né à Melo (Gouveia), dans la serra d'Estrela, il fut professeur de lycée dans plusieurs villes du Portugal. Il mourut à Lisbonne le 1er mars 1996. Son œuvre comporte de nombreux romans, des essais et un important Journal (Compte courant[Conta-Corrente], I, II, III, IV et V).

À l'instar de Carlos de Oliveira, Fernando Namora, Agustina Bessa-Luís ou José Saramago, Ferreira représenta d'abord le courant du néo-réalisme succédant au modernisme, dont Mário de Sá-Carneiro, Fernando Pessoa et Miguel Torga étaient les figures les plus illustres. L'exploration psychologique des personnages et la dénonciation des inégalités sociales forment la matière de ses premiers récits : Longue est la route (O Caminho fica longe, 1943) ; Où tout s'en est allé mourir (Onde tudo foi morrendo, 1944) ; Wagon J (Vagão J, 1946). Nourri de souvenirs d'enfance, Matin perdu (Manhã submersa, 1953) est l'histoire d'un garçon pauvre, meurtri par l'éducation reçue au petit séminaire où l'a placé une riche bourgeoise rêvant de patronner la destinée d'un futur prêtre. L'adolescent finira par trouver le chemin de sa délivrance, loin de la mentalité sclérosée du collège. Plus encore qu'un milieu étouffant, c'est la représentation d'un Dieu aberrant et une conception absurde de la religion catholique qui sont rejetées avec horreur. Changement (Mudança, 1949), au titre emblématique, marque une rupture, et l'orientation vers les préoccupations philosophiques qui permettront à Ferreira de donner le meilleur de son œuvre. Son attention est désormais centrée sur les problèmes existentiels, sans référence à nulle transcendance ; l'écriture, très originale, épouse davantage les flux, ou les remous, de la conscience affrontée à la grande obsession du temps irrévocable et de la mort inéluctable.

« Comment l'homme peut-il supporter l'évidence de sa condition et comment peut-il vivre ? » C'est à ces questions que cherche à répondre le protagoniste de Apparition (Aparição, 1959), un modeste professeur de lycée, cherchant désespérément dans Evora, morne ville de province, à faire « apparaître », sous le masque des visages ou des événements, le moi singulier de chaque individu. Plutôt que les divertissements où les autres se perdent, il préfère quant à lui affronter le mystère de sa propre personnalité et tenter d'éclaircir « la noire absurdité » de la mort pour justifier sa vie. L'opacité de la réalité s'opposera à jamais à son désir éperdu de voir et de savoir. Ce récit tragique s'inscrit dans une évocation très vivante et très suggestive de l'Alentejo et de ses habitants.

Grand lecteur de Dostoïevski, Kafka, Camus et Malraux, auxquels il consacre divers essais, Ferreira se voue dorénavant à une quête du sens de l'existence, selon ce principe : « Philosophie et littérature doivent se fondre ; l'art doit être dans la pensée et la pensée dans l'art. »

Cantique final (Cântico final, 1960) est ainsi une célébration de la vocation intellectuelle ou artistique, unique voie de rédemption, ou de transfiguration, pour l'homme acculé à l'absurdité de sa finitude. La lecture de Sartre et de Heidegger accompagne alors la création romanesque. À la hantise de la nausée ou de la solitude de « l'être pour la mort » échappe en partie le héros d'Alegria brève (Alegria breve, 1965), qui s'acharne à retrouver sa vérité d'« être fait pour le temps » dans le triste décor d'un village désert. Pour toujours (Para sempre[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite des Universités, membre correspondant de la Real Academia Española

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    ...Dans les années cinquante, quelques œuvres, émanant de la critique sociale, s'engagent sur des voies esthétiques entièrement émancipées : c'est le cas de Vergílio Ferreira qui construit une des grandes œuvres d'interrogation métaphysique de la seconde moitié du xxe siècle (Apparition, Pour toujours...