VÉRONÈSE (1528-1588)
Les thèmes mythologiques et les portraits
Ce langage, que l'on peut définir comme étant d'une sublime poésie décorative, trouve sa plus triomphale application dans les fresques des villas et des palais vénitiens. L'exemple le plus célèbre en est l'ornementation de la villa palladiana de Maser (environ 1560). Les paysages que Véronèse a peints sur les murs de cette demeure tendent à donner l'illusion que ces derniers s'ouvrent et qu'une lumière calme et diffuse émane de l'écran, refluant sur la couleur de l'ambiance, qui se fait douce et intime. Au-dessus, dans des lunettes et sur des plafonds dessinés selon des perspectives architecturales, des personnages mythologiques et des allégories, d'une originale transparence, créent un monde qui transcende, dans la clarté diaphane de ses teintes, la référence persistante aux formes monumentales du style de Michel-Ange.
Cette contexture lumineuse donne une tonalité particulière aux portraits qu'a peints Véronèse, ainsi qu'en témoigne la Gentildonna du musée du Louvre, toute vibrante d'une harmonieuse symphonie de bleu ciel et de roses. Il est certain, par ailleurs, qu'un souci d'abstraction formelle l'emporte sans exception dans tous les sujets profanes, qui auraient pu fournir à l'artiste l'occasion de se rapprocher d'une figuration plus ardente de la réalité : par ces sujets on peut entendre, outre les portraits, les scènes pour lesquelles Paolo trouvait une sûre inspiration dans la vie contemporaine, telles les représentations de la Cène. Le thème du repas biblique est pour lui un thème de prédilection, non certes pour des motifs religieux personnels, mais pour l'intérêt que présentent à ses yeux la foule multicolore, la grandiose distribution du cadre, qu'il peut peindre en des images toujours plus riches en couleurs, toujours plus éclatantes quant à la décoration.
Que ces représentations de la Cène puissent être surtout des « prétextes pour la couleur », Paolo, d'ailleurs, le reconnaît lui-même, lorsque, dans Le Repas chez Lévide l'Académie de Venise (1573), il n'hésite pas à placer « des Allemands et des bouffons » dans la suite de Jésus ou lorsque, dans la Les Noces de Canadu Louvre, il met au premier plan un concertino qui comprend, avec lui-même, ses trois grands émules : Titien, Tintoret et Bassano. Convoqué, pour ces « fantaisies », devant le tribunal de l' Inquisition, il répond : « Nous autres peintres, nous prenons les mêmes libertés que les poètes et les fous. » Et il ajoute : « On m'a demandé de décorer le tableau à ma convenance, or il est grand et peut contenir de nombreux personnages... »
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Écrit par
- Terisio PIGNATTI : professeur d'histoire de l'art moderne, faculté des Belles-Lettres, université de Venise
Classification
Médias
Autres références
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