SCHILTZ VÉRONIQUE (1942-2019)
Née le 23 décembre 1942 à Châteauroux (Indre), où son père était proviseur, avant de l’être du lycée Louis-le-Grand (1955-1968), Véronique Schiltz a grandi dans un milieu d’universitaires adonnés aux études littéraires et classiques. Son père, grand connaisseur de la littérature française du xviiie siècle, avait noué, lors de son séjour à l’ENS de la rue d’Ulm, une étroite amitié avec l’archéologue Pierre Devambez, futur conservateur des antiquités grecques au Louvre, dont la femme était russe. Est-ce là l’origine du goût de Véronique Schiltz pour l’art antique et de son tropisme russe ? Toujours est-il que, sitôt l’agrégation de lettres acquise en 1963, sa personnalité singulière, toujours disposée à outrepasser les limites des domaines où sa curiosité l’introduit, s’affirme : elle accepte un poste de lectrice de littérature française à l’université de Moscou, où elle passe trois ans (1965-1967). Expérience décisive, puisque s’y enracinent les aspects les plus marquants de son activité : l’intérêt pour les peuples nomades qui ont parcouru durant l’Antiquité les vastes confins septentrionaux des mondes européen et asiatique et la fréquentation des milieux littéraires russes, à nouveau éprouvés après l’incertain « dégel » poststalinien.
En marge d’un enseignement traditionnel de l’art grec à l’université de Besançon (1967-2000), Véronique Schiltz, encouragée par Pierre Amandry, archéologue versé dans les rapports entre le monde grec et l’Orient sémitique, amorce une spécialisation qui va trouver ses marques hors du cadre universitaire. En 1975, elle organise au Grand Palais la mémorable expositionOr des Scythes, qui révèle au public un art méconnu, ses chefs-d’œuvre se trouvant dans les musées d’URSS, alors très difficiles d’accès. S’ensuivront trois autres expositions consacrées à l’art de peuplades tardivement sédentarisées, connu seulement par les tombes de leurs chefs, dont Véronique Schiltz détaille la découverte aventureuse depuis le xviiie siècle dans Histoire de kourganes (1991). Dans son livre magistral Les Scythes et les nomades des steppes (1994) – l’un des derniers et des plus originaux volumes de la collection L’Univers des formes créée par André Malraux aux éditions Gallimard – elle analyse, par-delà les objets en or jusque-là seuls appréciés, l’esthétique de ces peuples dont elle détecte des réminiscences aussi bien chez les Celtes que chez les Chinois. L’accessibilité toute nouvelle des musées de l’ex-URSS aura permis à Véronique Schiltz de donner alors à voir le phénomène singulier d’un art portatif, dépourvu de centre fixe, qui élabore une figuration allusive proche de certaines avant-gardes du début du xxe siècle comme Le Cavalier bleu. Son élection à l’Académie des inscriptions et belles-lettres apporte en 2011 la consécration à ses études, accueillies par l’équipe de recherche dirigée par Paul Bernard à l’ENS de la rue d’Ulm.
Ce domaine, si vaste fût-il, n’épuisait pas le champ de ses possibles. Pendant de longues années, Véronique Schiltz fut également une collaboratrice assidue de Panorama, émission de France-Culture consacrée journellement à l’actualité des arts et des lettres, jusqu’à ce que la mort tragique de son dernier animateur, Michel Bydlowski, en 1998, l’amène à s’en écarter avec l’éclat que lui dicta la fidélité impérieuse qu’elle vouait à ses amis. Ceux-ci étaient nombreux, dans toutes les sphères de la société, avec une prédilection marquée pour les artistes, comme la pianiste devenue viennoise Elisabeth Leonskaïa ou le poète devenu américain Joseph Brodsky, qu’elle avait connu en Russie bien avant que le prix Nobel de littérature ne lui confère en 1987 une célébrité mondiale. Traductrice hors pair d’une bonne partie de son œuvre, elle fut très proche de[...]
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Écrit par
- Bernard HOLTZMANN : ancien membre de l'École française d'Athènes, professeur émérite d'archéologie grecque à l'université de Paris-X-Nanterre
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