HUIDOBRO VICENTE (1893-1948)
Vicente Huidobro, une des voix majeures de la poésie chilienne du xxe siècle, aux côtés des deux Prix Nobel de littérature Gabriela Mistral et Pablo Neruda, est un des premiers écrivains en Amérique latine à revendiquer l'autonomie du fait littéraire et à refuser la situation « ancillaire » dans laquelle on cantonnait trop souvent la littérature. « En toutes choses il y a une parole interne, une parole latente, sous-jacente au mot qui les désigne – affirmait Huidobro dans une conférence prononcée à Madrid en 1921 – C'est cette parole que doit découvrir le poète [...] La valeur du langage poétique est directement proportionnelle à son éloignement du langage parlé. »
Plus qu'à ses poèmes de jeunesse, Ecos del alma (1911), c'est à la première revue, Musa Joven, que Huidobro crée en 1912, qu'il faut s'attacher. Comme le montrent les poèmes rassemblés en 1913 sous le titre Canciones en la noche et un livre autobiographique de 1914, Pasando y pasando, ses préférences de l'époque vont vers Rubén Darío et le poète mexicain Amado Nervo, l'Argentin Leopoldo Lugones, Banville, Baudelaire, Rimbaud et Mallarmé. En 1916, Huidobro part pour l'Europe ; en passant par Buenos Aires, il publie une plaquette où s'annoncent les caractéristiques du mouvement d'avant-garde qu'il créera en Espagne et qui prendra le nom de « créationnisme ». Il y précise que le poète créationniste se situe aux antipodes du réalisme et du naturalisme, qu'il doit mieux maîtriser et utiliser, comme le fait Apollinaire, l'espace de la page blanche, et que l'image, selon la formule de Pierre Reverdy, est « un acte d'attention volontaire ».
À Paris, Huidobro participe à plusieurs revues : Sic (où seront publiés les Calligrammes d'Apollinaire), Nord-Sud, en 1917 et 1918, dont il est un des fondateurs avec Pierre Reverdy, et, plus tard, L'Élan et L'Esprit nouveau, qu'il finance en partie. Il se lie d'amitié avec de nombreux poètes (Apollinaire, Cocteau, Max Jacob, entre autres), mais aussi avec des artistes dont certains, comme Juan Gris ou Picasso, illustreront ses œuvres. En 1917, il publie à Paris, et en français Horizon carré, et, en 1918, à Madrid, quatre autres recueils de poèmes : deux en français, Hallali et Tour Eiffel, et deux en espagnol, Poemas árticos et Ecuatorial. Le prologue d'Horizon carré contient le credo poétique de Huidobro : « Créer un poème en empruntant à la vie ses motifs et en les transformant pour leur donner une vie nouvelle indépendante. Rien d'anecdotique ni de descriptif. L'émotion doit naître de la seule vertu créatrice. Faire un poème comme la nature fait un arbre. »
Après un bref voyage au Chili en 1919, l'activité de Huidobro en Europe est intense. Il rassemble sa poésie en français dans une anthologie, intitulée Saisons choisies (1921). En 1925, il publie deux nouveaux recueils de poèmes, Automne régulier et Tout à coup, qui ouvrent une ère nouvelle dans son œuvre, ainsi que des essais – Manifestes –, dans lesquels il récuse certains recours créatifs du surréalisme, comme l'écriture automatique. Il rentre au Chili et c'est à Santiago qu'il publie en 1926 un livre autobiographique, Vientos contrarios.
En 1929 est édité à Madrid Mío Cid Campeador, où Huidobro abolit définitivement les frontières entre prose et poésie. L'année 1931 voit réunis les « deux pôles d'une métaphore réunissant l'art et la vie » (René de Costa) en deux livres majeurs : Altazor o El viaje en paracaídas (Altazor, ou le Voyage en parachute), commencé en 1919, et un poème en prose, écrit en 1928, Temblor de cielo, dont il donnera en 1932 une version française, Tremblement de ciel. La même année paraît, toujours à Paris, une curieuse « œuvre théâtrale », Gilles de Raiz[...]
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Écrit par
- Claude FELL : professeur émérite à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
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