ADLER VICTOR (1852-1918)
Né à Prague, d'une famille juive aisée, Victor Adler entre au collège à Vienne, ville dans laquelle il poursuit des études supérieures en chimie et en médecine. Militant du mouvement national radical allemand, dont le but est la réalisation de la Grande Allemagne (Autriche et Allemagne réunies), il participe au congrès du Parti progressiste allemand en 1880. C'est vers cette époque qu'il découvre la « question ouvrière » ; collaborant alors avec les sociaux-démocrates allemands, il travaille sur les assurances dans l'industrie et veut devenir inspecteur du travail. Il voyage en Europe, notamment en Angleterre, où il rencontre Engels et Bebel, et en Allemagne, où il rédige pour Die neue Zeit de Kautsky un article sur les maladies professionnelles des ouvriers.
En 1885, les lois d'exception provoquent son indignation et il prend contact avec ce qui reste du Parti social-démocrate autrichien. Pratiquant ce que lui-même appelle « une politique d'attentisme et de médiation », il porte tous ses efforts sur l'unification du mouvement socialiste ; un premier pas est fait lorsqu'en 1886 il lance par ses propres moyens le journal Égalité (Gleichheit). En décembre 1888, le congrès d'unification d'Hainfeld, dont il rédige le programme d'inspiration marxiste, le consacre leader du parti. Il contribue alors à unir les différentes tendances social-démocrates autrichiennes. Après avoir participé au congrès socialiste international de Paris, qui fonde la IIe Internationale, Victor Adler, rentré en Autriche, prépare activement la manifestation internationale du 1er mai 1890 : celle-ci connaît un immense succès, mais lui-même est en prison, condamné pour haute trahison en raison de ses activités politiques. Libéré, il se consacre à l'organisation du parti : il a créé dès 1899 Le Journal des travailleurs (Die Arbeiterzeitung) et le lance dans la bataille pour la conquête du suffrage universel. Refusant à la gauche du parti l'appel à la grève générale, car dit-il : « il pourrait être avantageux de tromper l'adversaire sur nos forces, mais malheur au parti s'il se trompe lui-même sur ses propres forces », il opte pour la tactique des réunions et des manifestations ; ce n'est qu'en 1905 que, jugeant les circonstances favorables, il se rallie au mot d'ordre de la grève générale : c'est un succès. Le suffrage universel est obtenu et, dès 1907, la social-démocratie autrichienne, avec quatre-vingt-sept députés, est le plus fort parti du Reichsrat. Adler avait été élu député du Landtag de Basse-Autriche en 1901, puis du Reichsrat en 1905 ; il y sera régulièrement réélu jusqu'à sa mort. Le problème des nationalités que connaît l'Autriche l'oblige à abandonner le rêve de la Grande Allemagne de sa jeunesse. Convaincu de la réalité de la question nationale, il refuse l'internationalisme doctrinaire de Rosa Luxemburg et tente de répondre aux aspirations des groupes non allemands de l'Empire : « L'Autriche ne convient à aucun des peuples qui vivent ici, mais nous sommes tous, depuis des temps immémoriaux, liés à ce sol, liés à cet espace étatique. C'est pourquoi nous voulons conquérir une patrie pour tous ces peuples. »
Depuis 1900, Adler siège au bureau socialiste international de l'Internationale, où il est considéré, après la mort de Bebel (1913), comme le leader incontesté. En août 1914, désespéré et redoutant une victoire du tsarisme, il se rallie à l'Union sacrée et vote les crédits de guerre : il se heurte à une opposition menée par son fils, Friedrich. La chute du tsarisme puis la grève autrichienne de janvier 1918 modifient quelque peu sa position quant à la guerre, mais il redoute toujours une révolution qui ne peut être que sanglante. Renouant avec les aspirations de ses débuts politiques, il espère après la chute[...]
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Écrit par
- Paul CLAUDEL : maître en histoire et géographie
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