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BOURGEOIS VICTOR (1897-1962)

Brillant chef d'atelier d'architecture à l'École nationale supérieure d'architecture et des arts visuels (La Cambre, Bruxelles, 1934-1962), Victor Bourgeois est un ancien élève de l'Académie des beaux-arts de Bruxelles (1914-1919), dont il refusa le diplôme d'architecte pour contester les critères de jugement du jury et affirmer avec éclat ses visées non conformistes. Son œuvre théorique (il est directeur du journal d'avant-garde Sept Arts, 1922-1928) et pratique (La Cité moderne, Berchem-Bruxelles, 1922) devait le porter, en 1929, à la vice-présidence des Congrès internationaux d'architecture moderne (ou C.I.A.M.) encore qu'il eût tôt fait de mettre en question le socle spéculatif de cet organisme (La Charte d'Athènes, 1933 : grille opérationnelle fondée sur les options de Le Corbusier). C'est précisément, d'une part au niveau polémique, d'autre part au niveau du collectif urbain, que l'œuvre de Bourgeois se charge d'une dimension historique, même si son architecture apparaît, aujourd'hui, relever d'un passé révolu (le passé fonctionnaliste) et d'une plastique périmée (une plastique inspirée par le purisme du Stijl). Lui, pour qui la pratique architecturale était une nécessité liée au quotidien, fut l'un des rares architectes de l'époque à dénoncer ce qu'on appelle aujourd'hui l'architecture-objet, à savoir l'immeuble privé ou public conçu, implanté et élevé comme une œuvre strictement autonome, sans résonance sur le voisinage immédiat, et dans l'ignorance quasi absolue des problèmes soulevés par le fonctionnement de la ville comprise comme organisme. « L'édifice, disait Bourgeois, est redevable de sa véritable signification à ce qui le justifie et ce qui l'entoure. » Il condamne ce qu'il appelle l'architecture de chevalet : « De nombreux architectes aiment pratiquer l'architecture de chevalet, c'est-à-dire ne tenant compte que d'elle-même, sans se préoccuper du voisinage ancien ou moderne. » Il conteste l'architecte insensible aux réalités urbaines ou ignorant la complexité structurale : « Les architectes construisent des bâtiments et ils ne se préoccupent pas de savoir si leur juxtaposition constitue une ville. » Bien entendu, face à l'architecture-objet, l'architecture intégrée implique un minimum d'humilité : « À l'architecte qui travaille au cœur d'une ville, l'esprit civique commande souvent de sacrifier l'originalité à une certaine neutralité accommodante. » Lorsqu'il opère, lui, en milieu urbain, il s'attache à résoudre des problèmes de charnière, d'articulation (articulation de l'espacement : vides, pleins, poteaux, parois, câbles) et de temporalisation (circulation, équipements mobiles, mouvements du corps et de l'œil) qui conditionnent l'équilibre de la ville, même si elle est devenue « la proie des marchands » : tant est profond le souci social et humain qui le conduit à chercher les moyens de guérir les villes avant de songer à en construire d'autres. C'est pourquoi ce « traceur d'espaces » (ainsi définit-il l'architecte) s'est si souvent attaché à mettre en œuvre des moyens susceptibles d'être rapidement efficaces, immédiatement opératoires (cela explique la nécessité qu'il éprouvait d'utiliser une presse de combat comme appui logistique, de joindre la parole à l'acte créateur). Le côté pragmatique et militant de pareille démarche n'excluait pas le réalisme du futur. Bourgeois avait conscience du rôle important des mass media sur la vie quotidienne, la sensibilité, la mentalité. On le voit pressentir leur incidence sur la transformation de l'information architecturale. On le voit supputer les développements de l'urbanisme souterrain, les extensions de l'architecture nocturne (« l'architecture des ondes lumineuses »), et même avancer une vision utopique, un rêve de poète : « Avec nos moyens modernes de percussion,[...]

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Écrit par

  • : directeur de l'École nationale supérieure d'architecture et des arts visuels, Bruxelles

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