VICTOR-EMMANUEL II (1820-1878) roi de Sardaigne (1849-1861) et d'Italie (1861-1878)
Dernier roi de Piémont, premier souverain de l'État unitaire, Victor-Emmanuel de Savoie a été placé par l'historiographie officielle de la monarchie au rang des « pères de la patrie ». Parmi les artisans du Risorgimento, c'est sans doute celui dont la personne et l'action ont subi la révision critique la plus approfondie.
Né à Turin, fils de Charles-Albert de Savoie-Carignan, le héros tourmenté du premier Risorgimento, il présente avec son père le plus grand contraste physique et moral. Pendant son adolescence, il est tenu à l'écart des affaires de l'État et élevé dans l'ambiance cléricale et militaire de la cour. Il montre très peu d'inclination pour l'étude et, lorsque la défaite de Novare le porte sur le trône le 23 mars 1849, son inexpérience du pouvoir est totale. Dès cette époque, Victor-Emmanuel II affirme les traits de sa personnalité. Les uns sont sympathiques et lui vaudront une large popularité : une carrure robuste, avec sa face barrée d'énormes moustaches ; une grande simplicité de manières ; le goût des exercices violents, comme la chasse en montagne. C'est, avant tout, un soldat à la bravoure physique indéniable, conscient de son rang et de l'ancienneté de sa maison. Son esprit chevaleresque, ses bonnes fortunes amoureuses en font, aux yeux du peuple, le roi galantuomo, brusque et primesautier, comme en témoigne le style de ses lettres. Mais Victor-Emmanuel est également impulsif et paresseux, jaloux de sa prérogative royale, passablement égoïste et porté à la vantardise. Le bon sens ne tempère qu'en partie l'excessive confiance qu'il nourrit en ses capacités et son goût pour l'intrigue. La marque de sa première éducation demeura toujours. Ce mélange de timidité et d'assurance, d'initiative et de manque d'esprit de suite ne permet guère de discerner une ligne directrice au long d'un règne de plus de vingt-huit ans, rempli par les événements complexes qui aboutirent à l'accomplissement de l'unité.
Le premier acte du jeune monarque fut de négocier, avec réalisme, l'armistice avec l'Autriche et de maintenir le statut constitutionnel, sans qu'on doive pourtant lui attribuer le mérite, comme le voudra une légende tenace, d'avoir repoussé les pressions de Radetzky l'incitant à un retour à l'absolutisme. De 1849 à 1852, le roi s'initia aux affaires sous la direction de Massimo d'Azeglio, qu'il soutint dans ses premiers efforts de laïcisation de l'État. L'ère de Cavour (1852-1861) est la période centrale du Risorgimento, celle aussi où la version officielle a popularisé le cliché de la convergence de vues entre le souverain et son Premier ministre. En réalité, les relations entre les deux hommes, si différents par le format intellectuel et par le caractère, furent difficiles. Victor-Emmanuel ne se plia que par nécessité à la suprématie de Cavour, qu'il chercha à évincer du pouvoir en janvier 1855, lors de l'alliance pour la guerre de Crimée, puis lors de la « crise Calabiana », née de la loi sur les couvents (avril 1855). En revanche, après l'attentat d'Orsini (contre Napoléon III) en janvier 1858, puis au cours de la laborieuse genèse de l'alliance franco-sarde, le roi soutint Cavour. Les relations entre les deux hommes se détériorèrent irrémédiablement au début de 1859, lorsque Cavour tenta de faire épouser à Victor-Emmanuel, veuf depuis 1855 de Marie Adélaïde de Habsbourg-Lorraine, une princesse de sang royal pour le détourner de sa liaison avec Rosina Vercellana (« la belle Rosina »), future comtesse de Mirafiori, avec laquelle il se maria morganatiquement le 9 novembre 1869. Au cours de la guerre contre l'Autriche en 1859, le commandement militaire revendiqué par le roi fut entièrement négatif, mais ce dernier sut, avec bon sens, accepter l'arrêt de la lutte décidé par Napoléon III.[...]
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Écrit par
- Paul GUICHONNET : professeur honoraire à l'université de Genève
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