HORTA VICTOR (1861-1947)
L’affirmation de la modernité
La maison Autrique (Bruxelles, 1893) offre une façade aux accents insolites : encadrement de porte ogival, présence de supports en fonte au lieu de trumeaux en maçonnerie, détails sculptés égyptisants. À l’intérieur, le style Art nouveau que Horta va lancer prend naissance : motifs d’arabesques dans les mosaïques du sol et vitraux japonisants. Suivant les principes énoncés dans les Entretiens sur l’architecture (1863-1872) de Viollet-le-Duc, Horta fait usage de matériaux produits par l’industrie (fer, fonte et verre) en leur donnant une forme délivrée des styles du passé. Il cherche un type d’ornement qui appuie la structure sans la dissimuler et veille à adapter l’architecture aux nécessités du programme. À l’hôtel Tassel (Bruxelles, 1893), le bow-window prend la forme d’une courbe éventrée par les grandes baies qui éclairent les pièces de travail de l’ingénieur, une innovation rendue possible par les structures de métal. Cette courbe qui anime la façade devient le leitmotiv du décor : dite « ligne coup de fouet », elle se déroule en compositions abstraites traduites dans les différents matériaux (mosaïques, peintures murales, ferronneries, luminaires), en exprimant la force vitale qui fait croître le végétal, sans jamais verser dans une reproduction « naturaliste ». Mais son effusion reste toujours contrôlée, la qualité de l’espace et de la lumière étant primordiale. La cage d’escalier est souvent utilisée comme puits de lumière et se trouve harmonieusement intégrée aux espaces où se joue la vie sociale. Ainsi dans les hôtels Solvay (1894) et Van Eetvelde (1895) à Bruxelles, Horta réussit magistralement l’incorporation du jardin d’hiver : ce n’est plus une pièce annexe greffée à l’arrière de la maison, ainsi qu’il le réalise dans les hôtels Frison (1894) et Winssinger (1894) à Bruxelles, mais un lieu mystérieusement éclos, un « rêvoir », selon le terme de Charles Baudelaire (1853). La lumière diffusée par les vitraux, en partie composés de verres dichroïques fabriqués selon le procédé mis au point par le verrier américain Tiffany, contribue à la création d’une harmonie colorée rehaussée par la couleur naturelle des matériaux.
Armand Solvay était un capitaine d’industrie, Edmond Van Eetvelde un homme d’État (secrétaire de l’État indépendant du Congo). Tous deux ont souhaité des demeures modernes et prestigieuses témoignant d’un statut social élevé récemment acquis. Curieusement, une même recherche d’affirmation déliée des conventions de l’ancienne bourgeoisie va pousser les dirigeants du parti ouvrier belge à commander à Horta une maison du peuple (1895-1901) au cœur du quartier populaire des Marolles. Le bâtiment, démoli en 1965-1966, comportait à son sommet une salle de spectacles aux structures métalliques d’une légèreté sans pareille. Horta voulait qu’y triomphent l’air et la lumière exclus des taudis ouvriers. En 1898, il a gagné suffisamment d’argent pour construire sa maison et son atelier (devenu le musée Horta en 1969) qu’il vendra en 1919. L’Art nouveau était alors totalement passé de mode et Horta souhaitait relancer sa carrière. Il s’installe alors avenue Louise, dans un immeuble classique qu’il remodèle de fond en comble.
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Écrit par
- Françoise AUBRY : conservateur du musée Horta, Bruxelles, Belgique
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ART NOUVEAU
- Écrit par Françoise AUBRY
- 8 824 mots
- 23 médias
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