HUGO VICTOR (1802-1885)
Le poète
« Toute la lyre »
En 1888, Paul Meurice intitulait deux volumes de poèmes posthumes de Hugo Toute la lyre. C'est sous ce titre qu'on peut traiter des débuts de Victor Hugo et de la première partie de sa carrière.
Arraché aux Feuillantines et à sa mère par ordre paternel (ses parents sont séparés), Victor s'ennuie à la pension Cordier et, de 1815 à 1818, y remplit de vers trois cahiers. Beaucoup de pièces dans le goût de L'Almanach des Muses, des charades, des énigmes, des épigrammes, des fables. Des traductions du latin, aussi, de Virgile en particulier. En 1816, Victor Marie, en même temps que son frère Eugène, son rival en poésie, écrit une épopée en trois chants, Le Déluge, dont le merveilleux chrétien avoue l'influence du Génie du christianisme. Elle se mêle aux leçons de Virgile et s'accommode de la domination de Voltaire : comme sa mère, Victor est « royaliste voltairien », et, après que « Le Bonheur que procure l'étude dans toutes les situations de la vie », son premier poème publié, lui a valu, en 1817, l'« encouragement » de l'Académie française, les poèmes académiques et satiriques de 1819 font de cette année celle du « royalisme voltairien ». Le chef-d'œuvre en est assurément le poème du Télégraphe, qui raille les libéraux et les ministériels, avec une verve, un esprit, une bonne humeur qui font songer à Voltaire plus qu'à Joseph de Maistre. Mais déjà se multiplient les odes vengeresses où la lamentation sur l'hydre de l'anarchie se mêle à la prophétie du malheur. Rappelons encore qu'en plus de la poésie lyrique, de l'épopée et de la satire l'adolescent s'est exercé au théâtre et au roman, et, à lui seul, ou presque, assure, quinze mois durant, la rédaction d'une revue, Le Conservateur littéraire. Toute la lyre en vérité !
Le 8 juin 1822 paraît en librairie le premier livre de Victor Hugo, sous le titre d'Odes et poésies diverses. Le recueil ira s'enrichissant et se diversifiant jusqu'à l'édition dernière de 1828. Qu'il déplore la mort du duc de Berry ou célèbre le sacre de Charles X, Victor Hugo est le poète du royalisme ultra. Mais, du début à la fin, il mêle à ses odes politiques les odes « rêveuses » où il dit ses souffrances de fiancé séparé, sa joie et sa fierté d'époux qui se juge comblé. La poésie royaliste l'entraîne, en outre, à prendre l'attitude du prophète jetant l'anathème sur son temps ; en appelant du tribunal des hommes à celui de Dieu, il cultive le genre de la vision comme dans l'ode qui porte ce titre et qui, dans un décor miltonien, fait condamner par Jéhovah le siècle coupable de Voltaire et de Robespierre. Genre, attitude que Hugo pratique avec une sincérité plus entière dans les odes écrites en 1823 : alors, à l'influence de Chateaubriand succède celle de Lamennais ; on devine une première « crise mystique », qui l'autorise à s'écrier dans Action de grâces : « Mon esprit de Patmos connut le saint délire. » Les prophètes et l'Apocalypse au service d'une cause politique, c'est déjà, dans un parti opposé, le prélude aux Châtiments, cependant que l'inspiration cosmique et visionnaire, çà et là, à travers la forme vieillie, annonce Les Contemplations. En 1826, aux Odes s'ajoutent des Ballades : Moyen Âge, « mythologie » à la Nodier, avec des sylphes et des lutins, acrobaties rythmiques et verbales, c'est le temps de la fantaisie. Au début de 1829, Les Orientales achèvent de faire de Hugo le maître des deux domaines romantiques, l'Orient et le Moyen Âge, de la poésie pittoresque et de l'« école de l'art ». Le recueil, cependant, est plus mystérieux qu'on ne croirait : livre souvent nocturne que la lune éclaire davantage que le soleil, livre voluptueux[...]
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Écrit par
- Pierre ALBOUY : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris
- Pierre GEORGEL : conservateur en chef du Patrimoine
- Jacques SEEBACHER : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-VII
- Anne UBERSFELD : ancienne élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-III
- Philippe VERDIER
: professeur émérite, université de Montréal,
Kress Fellow , Galerie nationale, Washington, membre de la Société royale du Canada
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