BEAULIEU VICTOR-LÉVY (1945- )
Né à Saint-Jean-de-Dieu, au Québec, Beaulieu s'est mis à écrire dès la fin de ses études secondaires. En 1967, il obtient un prix littéraire pour une étude sur Victor Hugo ; en 1972, le grand prix de la Ville de Montréal pour Un rêve québécois ; en 1975, le prix du gouverneur général pour Don Quichotte de la démanche. Journaliste, essayiste, romancier, dramaturge, éditeur, il est l'auteur d'une œuvre prolifique.
Dans ses romans, Beaulieu ni ne raconte une histoire suivie, pas plus qu'il ne cherche à analyser la psychologie de ses personnages. Il préfère les mettre en situation pour montrer qui ils sont par leurs actions et leurs réactions. Ce sont de purs Québécois, aux prises avec la vie et ses abominations (nombreuses), ses injustices (fréquentes) et ses bons moments (rares). La plupart sont des tourmentés, dont l'inconfort a souvent pour origine une malformation physique, une maladie ou un traumatisme psychique. Ils évoluent sur deux plans et passent constamment du monde réel au monde de l'imaginaire, d'un réalisme forcené à un rêve délirant. Tout est mêlé, chronologie, souvenirs, action présente, rêvasseries, dans des scènes qui s'enroulent, s'interrompent et repartent — pour finir souvent en cauchemar — sans que rien ne justifie cette constante fluctuation. Parmi ses principaux titres, dont certains se réfèrent à de grandes figures de la culture occidentale, citons Mémoires d'outre-tonneau (1968), Race de monde (1969), La Nuitte de Malcolmm Hudd (1969), Jos connaissant (1970), Les Grands-Pères (1971), Blanche forcée (1976), Monsieur Melville (1978-1980), Steven le Héraut (1985), Seigneur Léon Tolstoï (1992), James Joyce, l’Irlande, le Québec, les mots (2006), Se déprendre de soi-même : dans les environs de Michel Foucault (2008).
Certains personnages sont des obsédés, surtout sexuels. Leur défoulement offre de magnifiques possibilités à l'auteur, qui fait grand usage du vocabulaire de la physiologie, l'accommode à sa façon et lui donne une force accrue. Il exulte, il est dans son élément, et le réalisme québécois dégénère souvent en un hypernaturalisme. Emporté par sa verve, Beaulieu s'exprime sur les tons les plus divers et se montre tour à tour joyeux, méprisant, grossier, rigolard, sadique, révolté, brutal, masochiste, fornicateur ou écœuré.
Le langage est l'obsession d'un des personnages, Abel Beauchemin, qui revient dans plusieurs livres. Beauchemin éprouve le besoin incoercible d'écrire. Il a tant de choses à dire et tant de difficultés à les exprimer que sa vie est devenue un enfer permanent : il est condamné à écrire en sachant que l'échec l'attend au bout du compte. Le drame est qu'écrire est son unique chance de chasser ses démons, de survivre en rejetant ce qui l'écrase. Mais le remède est pire que le mal ; il sait qu'il souffre pour rien. À la différence de Beauchemin, Beaulieu est un écrivain puissant. Son œuvre reste fascinante pour les lecteurs qui acceptent de le suivre dans ses errances.
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Écrit par
- A. BERGENS : professeur à l'université Carleton, Ottawa, Canada
Classification
Média
Autres références
-
QUÉBEC - Littérature
- Écrit par Encyclopædia Universalis , Jean-Louis JOUBERT et Antony SORON
- 11 161 mots
- 9 médias
Né en 1945, Victor-Lévy Beaulieu, admirateur de Herman Melville – à qui il a consacré un monumental ouvrage, Monsieur Melville, 1978 – et de Jack Kerouac – écrivain américain, québécois d’origine, dont le français d’ascendance reparaît dans quelques textes, comme Docteur Sax, 1959...