MIRABEAU VICTOR RIQUETTI marquis de (1715-1789)
« L'ami des hommes ». Né d'une famille noble, peut-être d'ancienne extraction chevaleresque, venue d'Italie et agrégée au xvie siècle à la haute noblesse provençale par de brillants mariages, propriétaire depuis 1570 de la terre de Mirabeau, érigée en marquisat par Louis XIV. Gentilhomme et grand seigneur en Provence, le marquis de Mirabeau l'est et veut l'être ; il prend très au sérieux son rôle de chef de nom et d'armes de sa famille, ses obligations de seigneur féodal. Mais il concilie mal les unes et l'autre. Il abandonne ses terres pour s'installer à Paris, fréquenter les salons influents, chercher à faire carrière et à pousser aux premiers emplois le bailli de Mirabeau, son frère cadet qu'il aime profondément. Un moment, il espère être ministre, mais en vain : il a échoué et le reconnaît tristement. Mais son ambition n'est jamais vulgaire. Son mariage avec l'héritière de grands domaines en Limousin est une catastrophe : les deux époux se séparent, plaident l'un contre l'autre, se déchirent, se ruinent réciproquement. Les deux fils nés de cette union (le comte de Mirabeau, Honoré Gabriel Riquetti et le vicomte de Mirabeau, André Boniface Louis Riquetti) sont, ainsi que leurs sœurs, de fort mauvais sujets. À la mort du marquis, ils n'auront donné à celui-ci qu'un seul petit-fils pour continuer sa race, et c'est son crève-cœur. De plus, la fortune familiale est alors en morceaux, car Mirabeau l'a dissipée à force de vouloir l'augmenter : ventes à perte, investissements improductifs, procès longs et coûteux. Contre femme et enfants il aura utilisé souvent les lettres de cachet : c'est « l'ennemi de sa famille ». Parmi tous ces déboires, la seule consolation du marquis, sans parler de ses diverses liaisons et de son attachement final à Mme de Pailly, est d'écrire. Esprit distingué, ami de jeunesse de Vauvenargues, son voisin en Provence, souvent reçu par Montesquieu, il lit peu mais réfléchit beaucoup et s'exprime d'abondance dans un style rocailleux, semé d'expressions très fortes et d'archaïsmes involontaires, sans aucun souci d'académisme ; épistolier infatigable tout au long de sa vie, il publie anonymement, en 1750, un Mémoire sur l'utilité des États provinciaux, où, réactionnaire à la façon de Saint-Simon et de Fénelon, il défend les droits de l'ancienne noblesse d'épée et les privilèges du clergé, peste contre les financiers, dénonce l'administration royale et surtout les intendants, ces « intrus ». En 1758, il fait paraître L'Ami des hommes ou Théorie de la population ; il devient à l'instant une célébrité européenne. Son plaidoyer pour l'agriculture et les agriculteurs, la partie souffrante de la nation, mêle infiniment de raisonnement et beaucoup de sensibilité à un grand respect pour l'organisation traditionnelle de la société et pour l'Église catholique. Mirabeau restera toujours chrétien d'inspiration sinon de conduite : il regardera toujours avec défiance l'impiété des philosophes. En 1758, il rencontre le docteur Quesnay, le fondateur du mouvement physiocratique, et son enthousiasme a l'allure d'une conversion. Devenu disciple de Quesnay, Mirabeau se consacre alors à l'exposition, chaque jour plus dogmatique, de la doctrine physiocratique : en 1760, sa Théorie de l'impôt lui vaut un court emprisonnement, car il y est écrit à l'adresse de Louis XV : « Vous ne pouvez plus avoir de services sans argent, ni d'argent pour payer les services. Cela signifie en langue naturelle que votre peuple se retire de vous sans le savoir. » Il accumule ensuite des livres de plus en plus confus : sa réputation en souffre, malgré ses relations d'amitié avec le margrave de Bade et l'admiration du roi Gustave III[...]
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Écrit par
- Olivier COLLOMB : diplômé d'études supérieures d'histoire, publiciste
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