LOS ANGELES VICTORIA DE (1923-2005)
Rares sont les cantatrices dont le répertoire peut rivaliser en étendue avec celui de la soprano catalane Victoria de Los Angeles. Le grand livre lyrique – que celui-ci soit italien, allemand, français ou espagnol – est parcouru dans son entier avec la même maîtrise. Mieux encore, elle aborde avec une souveraine aisance et un naturel confondant le lied allemand – qu'elle a étudié avec Elena Gerhardt –, la mélodie française, la zarzuela, la chanson populaire et, plus étonnant encore – qui s'y risquait avant les années 1960 ? – la musique de la Renaissance et les œuvres baroques. Un itinéraire esthétique exceptionnel à la mesure de l'une des plus grandes interprètes du xxe siècle.
Un répertoire sans frontières
Victoria López García, née à Barcelone le 1er novembre 1923, entre en 1940 au Conservatoire du Liceu de sa ville natale, où elle étudie le piano, la guitare – elle sera capable de s'accompagner sur l'instrument –, mais, surtout, le chant, dans la classe de Dolores Frau. Dès l'année suivante, elle incarne Mimì (La Bohème de Puccini) au Teatro Victoria. Elle entre dans le groupe Ars Musicae que dirige Josep María Lamaña, un pionnier de la redécouverte de la musique ancienne. Elle y joue de la flûte à bec, participe à une représentation de l'Orfeo de Monteverdi et enrichit considérablement sa formation musicale tout en élargissant ses horizons artistiques. Elle triomphe au Liceu le 13 janvier 1945 dans la Comtesse des Noces de Figaro de Mozart. En associant son prénom au patronyme de son parrain, elle se forge un nom de scène : Victoria de Los Angeles. En 1947, elle remporte le premier prix du Concours international de chant de Genève. Sa carrière est lancée.
En 1948, elle chante Salud (La Vie brève de De Falla) dans les studios de la B.B.C. L'Opéra de Paris l'acclame dans Marguerite (Faust de Gounod) en 1949. Le Covent Garden de Londres lui réserve un accueil enthousiaste pour son interprétation de Mimì, sous la direction de Thomas Beecham (1950). Après Salzbourg et la Scala de Milan (rôle-titre d'Ariane à Naxos de Richard Strauss), le Metropolitan Opera de New York l'appelle dès 1951 pour Faust, La Bohème puis Madama Butterfly de Puccini et Les Maîtres Chanteurs de Wagner (Eva). Invitée au Teatro Colón de Buenos Aires (1952-1954), elle agrandit son catalogue mozartien – Donna Anna de Don Giovanni – ainsi que la liste de ses compositeurs, qui compte désormais Alessandro Scarlatti (Laodice de Mitridate Eupatore), Weber (Agathe du Freischütz), Rossini (Rosina du Barbier de Séville), Leoncavallo (Nedda de Paillasse), Mascagni (Santuzza de Cavalleria Rusticana) et, bien sûr, Verdi (rôle-titre de La Traviata, Desdemona dans Otello).
Victoria de Los Angeles excelle dans le répertoire espagnol – Enrique Granados, Joaquín Nin-Culmell, Manuel de Falla, Joaquín Turina, Federico Mompou, Joaquín Rodrigo, Xavier Montsalvage... – et la musique traditionnelle de son pays natal. Elle porte cependant un amour tout particulier aux œuvres françaises. Mélisande inspirée (Pelléas et Mélisande de Debussy) aux côtés de Jacques Jansen et de Gérard Souzay, interprète d'élection de Joseph Canteloube, Chausson, Fauré et Debussy, elle se distingue par une évidence stylistique et une clarté de diction à rendre jalouses plusieurs générations de sopranos autochtones. Elle enregistre pour E.M.I. vingt et un opéras, parmi lesquels Manon de Massenet (sous la direction de Pierre Monteux, 1955), La Bohème de Puccini (sous la direction de Thomas Beecham, 1956), Carmen de Bizet (sous la baguette de Thomas Beecham, 1959) et Faust de Gounod (avec André Cluytens, 1959) demeurent des références. Elle participe, le 24 novembre 1961 au Liceu, à la création en concert de la cantate scénique Atlántida de De Falla. Invitée à Bayreuth en 1961 et 1962, elle chante Elisabeth (Tannhäuser[...]
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Écrit par
- Pierre BRETON : musicographe
Classification
Média