VICTORIA (reine du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande)
La jeune reine (1837-1861)
Victoria succéda à Guillaume IV le 20 juin 1837. Une de ses premières décisions fut de bannir sir Conroy de la Cour, désormais installée au palais de Buckingham, et d’éloigner sa mère le plus possible. Dépourvue d’expérience politique, elle se tourna vers le Premier ministre en place, lord Melbourne, pour assurer ses premiers pas. Elle se sentait proche des whigs, dits « libéraux », et bouda ostensiblement les figures de l’autre parti, les tories, ou « conservateurs ». Cependant, son mariage en 1840 avec son cousin, Albert de Saxe-Cobourg - Gotha, devait entraîner un changement de comportement. Le prince Albert était persuadé que la monarchie ne pouvait se maintenir durablement qu’en s’élevant au-dessus des luttes partisanes – ce que la suite des événements devait confirmer. Victoria ne fut jamais exactement une reine apolitique, mais la retenue qu’elle adopta contribua ensuite sûrement à rendre la monarchie bien plus stable et consensuelle qu’elle ne le fut sous ses prédécesseurs.
Le mariage avec Albert fut un moment majeur du début du règne de Victoria. Elle était alors âgée d’à peine vingt et un ans, et était d’une constitution physique bien éloignée de celle que nous conservons en mémoire : de petite taille, certes, mais svelte, avec un beau visage ovale d’où émergeaient de grands yeux bleus. Éperdument amoureuse, elle eut avec lui neuf enfants : Victoria en 1840, Albert Édouard en 1841, Alice en 1843, Alfred en 1844, Helena en 1846, Louise en 1848, Arthur en 1850, Léopold en 1853 et Béatrice en 1857. La monarchie incarnait dorénavant les valeurs familiales, marqueur fondamental des classes moyennes, alors socialement dominantes – on allait vite parler de « valeurs victoriennes ». Intimement persuadée que les femmes n’étaient, selon ses propres termes, « pas faites pour régner », Victoria aurait voulu qu’Albert fût reconnu comme roi à ses côtés, mais elle se heurta au refus de ses Premiers ministres. En 1857, elle lui attribua toutefois le titre de « prince consort », qui lui donnait préséance sur tout autre aristocrate britannique. Très actif, il rendit le fonctionnement de la Maison royale moins dispendieux, dégageant ainsi des économies qui allaient permettre à la reine d’acheter Osborne House, sur l’île de Wight, une résidence privée – par opposition aux demeures d’État, telles que Buckingham ou Windsor. Il incita Victoria à aller au-devant de ses sujets lors de « tournées royales » d’environ une semaine dans diverses régions du royaume, alors que ses prédécesseurs étaient rarement sortis de leurs palais : elle voyagea en Écosse en 1842, dans la région anglaise des Midlands en 1843, ou encore en Irlande en 1849. Le prince inaugurait là, sans le savoir, un des éléments fondamentaux de la monarchie britannique pour les siècles suivants : sa visibilité. Il s’intéressa aussi aux problèmes du logement des classes laborieuses. Surtout, il fut à l’origine de la première Exposition universelle qui s’est tenue à Londres de mai à octobre 1851, où 6 millions de visiteurs sont venus du monde entier pour contempler les prouesses technologiques de la révolution industrielle, dont la Grande-Bretagne avait été le berceau. Ayant gagné ce pari, au départ risqué, le crédit d’Albert auprès des hommes politiques britanniques ne fit que progresser, pour le bonheur de Victoria, qui pouvait s’appuyer de plus en plus sur lui dans l’exercice des fonctions royales.
Elle s’engagea aussi dans des activités diplomatiques : en 1843, elle rencontra Louis-Philippe au château d’Eu, en Seine-Maritime. Anglophile, ayant vécu en exil en Grande-Bretagne dans les années 1800, le roi des Français (1830-1848) souhaitait un rapprochement entre les deux pays. On parle alors de « cordiale entente », période qui culmina avec les visites réciproques[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Philippe CHASSAIGNE : professeur d'histoire contemporaine, université Bordeaux Montaigne
Classification
Médias
Autres références
-
VICTORIENNE ÉPOQUE
- Écrit par Louis BONNEROT et Roland MARX
- 10 883 mots
- 11 médias
Petite-fille de George III, Victoria succède, en 1837, à son oncle Guillaume IV. Elle est alors âgée de dix-huit ans et découvre un héritage des plus difficiles : une monarchie déconsidérée par le souvenir d'un George IV corrompu et d'un Guillaume qui, « dans sa vie privée, aurait fait...
-
ÉLISABETH II (1926-2022) reine du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord (1952-2022)
- Écrit par Philippe CHASSAIGNE
- 3 042 mots
- 4 médias
Née le 21 avril 1926 à Londres, Elizabeth Alexandra Mary Windsor régna, à partir de 1952, sur le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord sous le nom d’Élisabeth II (orth. franç.), et fut parallèlement chef du Commonwealth jusqu’à sa mort, le 8 septembre 2022, au château de...
-
ROYAUME-UNI - Histoire
- Écrit par Encyclopædia Universalis , Bertrand LEMONNIER et Roland MARX
- 43 835 mots
- 66 médias
L' époque victorienne couvre la plus grande partie du xixe siècle. La reine dont elle tient son nom est montée sur le trône en 1837, à l'âge de dix-huit ans, elle est morte en janvier 1901. Mariée en 1840 à Albert de Saxe-Cobourg, qui fournit ainsi à sa dynastie une nouvelle dénomination, elle...