VICTORIA (reine du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande)
La reine invisible (1861-1871)
Pendant dix ans, Victoria vécut en recluse, principalement à Windsor ou à Balmoral, refusant d’accomplir la plupart des engagements officiels liés à sa charge, telle l’ouverture de la session parlementaire, moment pourtant crucial de l’année politique avec la lecture du discours du trône – elle ne s’y prêta que trois fois en dix ans. Ce comportement provoqua une impopularité grandissante à l’égard de la reine. En 1870, lors de la proclamation de la troisième République en France, eurent lieu à Londres des manifestations antimonarchiques, qui restèrent toutefois d’une ampleur limitée. Peu importait que Victoria inondât le gouvernement de télégrammes, qu’elle reçût ses ministres à Windsor ou à Balmoral, si loin de Londres, car cela était invisible pour ses sujets. Dans cette situation se posait même la question de la vacance de la monarchie, étant donné que personne, pas même le prince de Galles, ne pouvait vraiment assurer la relève.
Venaient s’ajouter à cela des rumeurs concernant l’attachement de la reine à son serviteur écossais, John Brown, entré à son service à Balmoral puis devenu indispensable où qu’elle se trouvât, en particulier après la mort du prince Albert. Nombre de journaux brodaient sur son statut particulier parmi les autres domestiques, et on parlait à mots couverts d’une liaison, voire d’un mariage secret avec la reine, quoiqu’il n’y eût jamais de preuve. L’inscription sur une statue commandée par la reine après la mort de Browm, en 1883, semble résumer leur relation : « Ami plus que domestique, loyal, honnête et courageux ! »
Incontestablement, les années 1860 correspondent à un affaiblissement de la « prérogative royale » (c’est-à-dire des pouvoirs reconnus implicitement au souverain dans un système de monarchie limitée). Aux éléments conjoncturels venait s’en ajouter un autre, structurel : la réforme électorale de 1867, qui doublait le corps électoral en donnant le droit de vote aux classes moyennes et aux éléments les plus aisés des milieux populaires, amena les familles politiques whigs et tories à se muer en véritables machines électorales, les partis libéral et conservateur. Par conséquent, le monarque n’avait plus de marge de manœuvre dans le choix du Premier ministre, car le poste devait revenir au chef de file désigné par le parti majoritaire à la Chambre des communes. Ainsi, bien que Victoria détestât William Gladstone, leader du parti libéral, elle ne put faire autrement que de lui confier le gouvernement à quatre reprises. Tout au plus parvint-elle à l’empêcher de nommer un républicain avéré, Henry Labouchère, à tout poste ministériel.
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Écrit par
- Philippe CHASSAIGNE : professeur d'histoire contemporaine, université Bordeaux Montaigne
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