VICTORIA (reine du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande)
Un regain de popularité (1872-1887)
À la fin de 1871, dix ans après le décès de son père, le prince de Galles fut atteint à son tour par la fièvre typhoïde. Son rétablissement quasiment inespéré suscita une immense vague de sympathie envers la reine. Au même moment, elle échappa pour la sixième fois à une tentative d’assassinat. Les lieux de culte enregistrèrent une affluence record de fidèles venus rendre grâce pour ces deux événements. Au Parlement, les républicains qui voulaient mettre en place une commission d’enquête sur l’utilisation de la liste civile devinrent totalement inaudibles – pourtant leur initiative n’était pas sans fondement, car il était apparu que les économies réalisées par la reine étaient reversées sur sa fortune privée.
Redevenue populaire, Victoria reprit enfin, quoique sans zèle, ses activités protocolaires, et renoua progressivement avec les plaisirs de la vie. Elle se mit notamment à aimer les voyages à l’étranger, se rendant – sous la fausse identité de la « comtesse de Balmoral » – à Baden-Baden (1872), Milan (1879), Menton (1882), Aix-les-Bains (1885), Cannes (1885), Grasse (1891), puis à Nice, où elle séjourna tous les ans, au printemps, entre 1895 et 1899. L’Excelsior Régina Palace, aujourd’hui converti en résidence privée, y fut construit pour l’accueillir lors de ses visites.
La célébration du cinquantenaire de son accession au trône, en 1887, revêtit une importance particulière. Le précédent jubilé d’or avait été celui de George III, en 1810, mais le roi était alors malade depuis plusieurs années, et on s’en tint à un service religieux d’action de grâces. Âgée de soixante-huit ans, Victoria était encore en bonne santé, même si elle commençait à souffrir d’obésité parce qu’elle mangeait trop. Son règne en était venu à se confondre avec l’affirmation mondiale de la puissance britannique. En 1876, le Premier ministre conservateur Benjamin Disraeli avait obtenu qu’elle soit officiellement proclamée impératrice des Indes. Elle était à la tête d’un empire colonial s’étendant du Canada à l’Océanie : l’« empire sur lequel le soleil ne se couche jamais ». En son sein, les « colonies de peuplement blanc » (white settlements), issues de l’émigration britannique et européenne, gagnaient progressivement leur autonomie politique. Le Canada avait obtenu le statut de « dominion » en 1867, associant une totale souveraineté intérieure à la tutelle bienveillante de Londres en matière diplomatique, ainsi qu’au lien dynastique : Victoria devenait reine du Canada. Les colonies australiennes, la Nouvelle-Zélande, ou encore la colonie du Cap se dotaient de gouvernements responsables devant un Parlement élu, reproduisant le système politique de la métropole. Les cérémonies du jubilé d’or furent aussi l’occasion de la première conférence coloniale (renommée conférence impériale en 1907), réunissant les dirigeants des colonies autonomes venus participer aux célébrations, en vue de renforcer les liens entre ces communautés britanniques. Le jubilé d’or (20-21 juin) fut aussi une fête populaire : tandis que Victoria assistait à la cérémonie d’action de grâces à l’abbaye de Westminster, les Britanniques, ayant pavoisé tout ce qui pouvait l’être (demeures, rues, places), multiplièrent les repas de quartier(street parties), avec feux de joie, feux d’artifice, bals.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Philippe CHASSAIGNE : professeur d'histoire contemporaine, université Bordeaux Montaigne
Classification
Médias
Autres références
-
VICTORIENNE ÉPOQUE
- Écrit par Louis BONNEROT et Roland MARX
- 10 883 mots
- 11 médias
Petite-fille de George III, Victoria succède, en 1837, à son oncle Guillaume IV. Elle est alors âgée de dix-huit ans et découvre un héritage des plus difficiles : une monarchie déconsidérée par le souvenir d'un George IV corrompu et d'un Guillaume qui, « dans sa vie privée, aurait fait...
-
ÉLISABETH II (1926-2022) reine du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord (1952-2022)
- Écrit par Philippe CHASSAIGNE
- 3 042 mots
- 4 médias
Née le 21 avril 1926 à Londres, Elizabeth Alexandra Mary Windsor régna, à partir de 1952, sur le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord sous le nom d’Élisabeth II (orth. franç.), et fut parallèlement chef du Commonwealth jusqu’à sa mort, le 8 septembre 2022, au château de...
-
ROYAUME-UNI - Histoire
- Écrit par Encyclopædia Universalis , Bertrand LEMONNIER et Roland MARX
- 43 835 mots
- 66 médias
L' époque victorienne couvre la plus grande partie du xixe siècle. La reine dont elle tient son nom est montée sur le trône en 1837, à l'âge de dix-huit ans, elle est morte en janvier 1901. Mariée en 1840 à Albert de Saxe-Cobourg, qui fournit ainsi à sa dynastie une nouvelle dénomination, elle...