VIE ARTIFICIELLE
L'intelligence artificielle (I.A.), en proposant de concevoir des machines dotées de capacités de raisonnement, constitue la première tentative pour étudier et implémenter sur un média artificiel (ordinateur, robot, etc.) certaines caractéristiques du monde vivant. Cet objectif est très ambitieux. La vie artificielle (V.A.), par une approche fondamentalement ascendante, suit une démarche plus réaliste et pragmatique ; elle propose de faire émerger des comportements de haut niveau à partir de règles de bas niveau. Le concept de V.A. suppose une définition du concept même de vie. Une autre difficulté réside évidemment dans l'opposition entre naturel et artificiel.
On a longtemps cherché à distinguer la matière vivante de la matière inerte. Il est maintenant établi que cette distinction n'est pas pertinente ; les composants physiques des corps inertes et vivants sont identiques. Ce qui caractérise la vie doit donc être recherché au niveau de l'organisation et de la dynamique des composants. Cette propriété permet d'étudier la vie comme un processus, indépendamment de son substrat physique. Christopher Langton, lors de la conférence fondatrice sur la V.A. (1987), a ainsi formulé une nouvelle problématique : l'étude de la « vie telle qu'elle pourrait être » par opposition à l'étude de la « vie telle que nous la connaissons » aujourd'hui sur notre planète. Langton propose d'aborder la V.A. comme « l'étude de systèmes construits par l'homme qui exhibent des comportements caractéristiques des systèmes vivants naturels ». Cet énoncé montre bien combien il est difficile de définir le concept de vie. Une réponse consisterait à énumérer les caractéristiques des systèmes vivants ; mais cela pose différents problèmes. À quel niveau doit-on se placer : cellule ? végétaux ? homme ? Doit-on rechercher des propriétés génériques communes à tous les systèmes vivants ? Les propriétés le plus souvent proposées font référence à la capacité que possède un système vivant de se reproduire, contenir l'information nécessaire à sa reproduction, produire sa propre énergie, s'adapter aux variations de son environnement pour maintenir sa viabilité, évoluer, répondre aux stimuli, raisonner, ou encore mourir. Ces propriétés sont-elles suffisantes, nécessaires ? Il n'y a pas de réponse simple à ces questions ; par exemple, les cristaux peuvent se reproduire alors que c'est là une propriété fondamentale des systèmes vivants. Les réalisations actuelles en V.A. ne prennent en compte qu'un nombre limité de ces propriétés.
C'est, paradoxalement, l'absence même de définition de la vie qui offre une opportunité pour la V.A. Un de ses objectifs sera de définir ce qui permettrait de distinguer la « vie telle que nous la connaissons » de la « vie telle qu'elle pourrait être » et ainsi de participer à une meilleure compréhension des mécanismes de la vie biologique. Mais la V.A. ouvre également un champ d'étude autonome qui se propose de rechercher des principes vitaux indépendants de tout support physique et de concevoir des systèmes « vivants » sur des médias artificiels, ordinateurs ou robots autonomes.
En biologie, une difficulté majeure consiste à trouver les principes généraux qui gouvernent l'émergence et le développement de la vie à partir du seul exemple de la vie fondée sur la chimie des chaînes carbonées. La V.A. permet d'outrepasser cette contrainte, en proposant de synthétiser d'autres formes de vie. Utiliser un ordinateur pour modéliser la vie organique permet d'analyser les données sans perturber le système, de répéter indéfiniment une même expérience, et surtout d'accélérer les processus évolutionnistes. En connexion avec l'approche analytique traditionnelle, la V.A. peut alors être vue comme une biologie synthétique.[...]
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Écrit par
- Philippe COLLARD : professeur des Universités
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