VIENNE, Autriche
Vienne du XIXe siècle : Biedermeier et époque François-Joseph
Dans la première moitié du xixe siècle se succédèrent à Vienne des événements tragiques (la ville fut deux fois occupée par les armées de Napoléon) ou lourds de conséquences générales (congrès de 1814) et la détente, au moins apparente, d'une période où la bourgeoisie se plaisait à un romantisme attendri, le Biedermeier. Ce fut le temps des succès de Schubert, des paysages de Waldmüller, du mobilier en bois clairs, incrustés d'ébène, dans les demeures privées.
L'empire d'Autriche (1804) était gouverné par un souverain populaire, Franz Ier (mort en 1835), mais le régime policier, au service de la lutte de Metternich contre les idées révolutionnaires, devenait insupportable à la jeunesse, et le prolétariat (27 000 personnes à Vienne vers 1820) vivait d'une existence misérable. D'où le soulèvement de mars 1848 et la lourde répression des émeutes par l'armée. Une fois la révolution matée, une autre époque s'ouvrit, qui coïncida avec le règne de François-Joseph (1848-1916).
Capitale politique de tout l'empire (1848-1867) puis, après le compromis avec la Hongrie, de la seule Cisleithanie, Vienne accomplit un énorme progrès démographique, passant de 898 855 habitants en 1869 (contre 175 000 en 1754) à 1 162 196 en 1880 et à 2 083 497 en 1910. La prospérité générale est attestée par l'essor de l'industrie (textile, métallurgie, chimie) et de la banque. Le décor urbain connaît la plus grande transformation de son histoire par la substitution aux anciens remparts d'un large boulevard circulaire, le Ring (1863), centre d'une cité qui annexe ses anciens faubourgs. Le long du Ring se suivent les monuments publics (Opéra, hôtel de ville, Parlement, Université, musées, bâtiments nouveaux de la Hofburg, Burgtheater) et les somptueux immeubles de la noblesse ou de la riche bourgeoisie. L'architecture est moins soucieuse de création originale que de recours délibéré au pastiche des grands styles : le gothique civil ou religieux (la Votivkirche), l'antiquité hellénique, la Renaissance. Cependant la présence de grands jardins allège l'ensemble et, malgré la solennité de chaque édifice, une grâce générale y maintient l'agrément. Des fêtes brillantes s'y déroulent (cortège du décorateur Makart, 1879 ; corso du Prater), la vie intellectuelle est des plus fécondes (Académie des sciences fondée en 1847 ; à l'Université, renommée des maîtres de la médecine, de la philosophie et des sciences naturelles ; parmi les écrivains, Grillparzer – mort en 1872 – est toujours apprécié comme un classique). À la fin du xixe siècle, un art nouveau s'oppose à l'éclectisme du Ring comme à toute forme d'académisme (revue Ver Sacrum, peinture symboliste de Gustav Klimt, palais de la Sécession), et l'architecture plus rigoureuse d'Otto Wagner et d'Adolf Loos devient modèle pour l'Europe. Une évolution musicale était déjà annoncée par Anton Bruckner, Mahler, directeur de l'Opéra, Richard Strauss, mais Arnold Schönberg préparait une véritable mutation de la musique (atonalité). Vienne, accueillante, semblait conduire sa vie quotidienne au rythme des valses de Strauss et se complaire à l'opérette. Si le tragique et la grâce se côtoyaient ainsi, c'est qu'elle ressentait l'angoisse de son propre destin, lié à celui de l'Empire (lutte des nationalités, scènes de violence au Parlement et dans la rue) et cherchait à l'oublier.
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Écrit par
- Guy LOEW : maître de conférences de géographie, université de Metz
- Victor-Lucien TAPIÉ : membre de l'Institut, professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris
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