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VIEUX-CROYANTS

On appelle « vieux-croyants » (en russe : starovery ou staroobrjadcy) les membres des communautés issues du Raskol, le schisme qui divisa l'Église russe au xviie siècle. Après le concile de 1666-1667, le monastère des Solovki, construit dans une île de la mer Blanche, se révolte et soutient un siège de neuf ans, à la suite duquel les moines sont passés au fil de l'épée. En 1682, l'archiprêtre Avvakum, un des chefs du Raskol, est brûlé. La même année, la rébellion de la garde royale — les streltsy — en faveur de la « vieille foi » est écrasée, et Pierre le Grand achève de faire des vieux-croyants de véritables parias, qui paient un double impôt, portent des vêtements particuliers, sont exclus des villes et privés de presque tous les droits civiques. Les vieux-croyants fuient le règne de l'Antéchrist en s'établissant dans les forêts et dans les marécages du Nord, où ils multiplient les ermitages, en partant pour l'étranger, pour la Pologne ou la Turquie, en allant jusqu'à s'immoler dans les suicides collectifs de la « mort rouge », qui transforme des villages entiers en bûchers volontaires. Les vieux-croyants, qui, à la fin du règne de Pierre, sont environ un million sur 14 millions d'habitants, se raffermissent peu à peu. En 1762, Catherine II inaugure vis-à-vis d'eux une politique de tolérance, à la fois sous l'influence des Lumières et pour faire rentrer en Russie des hommes qui disposent de talents et de capitaux. Par une série de dispositions adoptées entre 1782 et 1800, l'Église officielle offre aux vieux-croyants l'« Union dans la foi », qui implique le respect de leurs coutumes propres. Mais bien peu se rallient, tant reste grande chez eux l'horreur des « nikoniens » (partisans du patriarche Nikon, dont les mesures ont provoqué le schisme). Grâce à l'énergie des minorités, grâce à leur solidarité et à leurs vertus patriarcales, les marchands vieux-croyants amassent de grandes fortunes. Au xixe siècle, une part importante des capitaux russes est entre leurs mains. La persécution, cependant, reprend sous Nicolas Ier (1825-1855). On détruit les chapelles des vieux-croyants, on leur interdit de s'inscrire dans la guilde des marchands, on voit en eux des conspirateurs politiques. Pourtant, ils sont 10 millions sur 75 millions d'habitants en 1858. L'apaisement vient sous Alexandre II, avec l'ère des réformes, surtout grâce aux écrits et à l'action d'un fonctionnaire chargé d'enquêter sur les vieux-croyants, Melnikov-Petcherski, qui leur consacre deux longs romans quasi ethnographiques, Dans les forêts (1875) et Sur les montagnes (1883). La liberté de conscience est pleinement établie en 1905. Au début du xxe siècle, à Moscou, les grands marchands (kupey) vieux-croyants jouent le rôle de mécènes. C'est alors que le patrimoine, que constituent notamment les icônes et le plain-chant, et qui a été préservé par le Raskol, est inventorié, favorisant en Russie la renaissance de l'art sacré.

Il y avait, chez les vieux-croyants, des caractéristiques rappelant le judaïsme, entre autres, la douceur et la sécurité d'un rite minutieux ordonnant la vie quotidienne. Aucun évêque ne s'étant rallié au schisme, les vieux-croyants, au xviiie siècle, se sont divisés en deux tendances : les sans-prêtres, vite éparpillés en sectes rationalistes ou mystiques (avec une remontée d'un paganisme de type dionysiaque) et, plus nombreux et plus cohérents, les presbytériens, qui, tout en se bornant à conférer le seul sacrement — le baptême — que peuvent administrer des laïcs, n'ont cessé de rechercher la succession apostolique. En 1846, un ancien métropolite russe, Ambroise, passé au Raskol, fonde en Autriche la métropole de Bielaïa Krinitsa et restaure l'épiscopat dans la communauté[...]

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Écrit par

  • : agrégé de l'Université, professeur à l'Institut Saint-Serge de Paris

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Autres références

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