ULLMANN VIKTOR (1898-1944)
Fils d'un officier supérieur autrichien d'origine noble, le compositeur Viktor Ullmann naît le 1er janvier 1898 à Teschen (Teín ou Cieszyn, en Silésie, à l’actuelle frontière polono-tchèque). Il reçoit à Vienne une formation humaniste très complète. Il débute l'étude du piano auprès d'Eduard Steuermann, participe aux cours de théorie et de composition (1918-1919) donnés par Arnold Schönberg et ses élèves Josef Polnauer et Heinrich Jalowetz. Schönberg le recommande à Alexander von Zemlinsky, directeur du Neues Deutsches Landestheater à Prague.
En tant que chef d'orchestre assistant, il prépare les premières des Gurrelieder de Schönberg, ainsi que celles d'opéras de Mozart, de Wagner, de Richard Strauss et d’Alban Berg. En octobre 1927, il est nommé Kapellmeister à Aussig (aujourd'hui Ústí nad Labem, en République tchèque) et se fait remarquer en donnant des ouvrages d'avant-garde tels que Jonny spielt auf d’Ernst Kenek et Ariane à Naxos de Richard Strauss. Il travaille à Vienne et à Zurich, puis revient à Prague, où il organise des concerts privés, écrit dans la revue critique Der Auftakt, produit des émissions à la radio. Alors qu'il a déjà entrepris l'opéra Peer Gynt d'après Ibsen, laissé inachevé (1928), publié les Cinq Variations et double fugue sur une pièce pour piano d'Arnold Schönberg(1929), le Concerto pour orchestre op. 11, il décide brusquement de reprendre ses études musicales auprès d'Alois Hába, maître des micro-intervalles et propagateur des thèses anthroposophiques de Rudolf Steiner. Sous son impulsion, il achève le deuxième de ses trois quatuors à cordes, rédige ses quatre premières sonates pour piano et mène à bien la rédaction de sa partition la plus ambitieuse, l'opéra Der Sturz des Antechrist (« La Chute de l'antéchrist », sur un livret du poète et dramaturge suisse Albert Steffen, terminé en décembre 1935), non encore représenté à la fin du xxe siècle.
Ullmann est interné par les nazis au camp de Terezín le 8 septembre 1942, et, dès son arrivée, la Freizeitgestaltung lui demande de consacrer l'intégralité de son temps de travail à l'animation du camp : composition, critique musicale, organisation de concerts, conférences. Sans être dupe de cette sollicitude (cf. son essai Goethe und Ghetto), Ullmann réussit à composer seize œuvres, la plus importante étant l'opéra Der Kaiser von Atlantis oder die Tod-Verweigerung (« L'Empereur d'Atlantis, ou la Mort abdique ») sur un livret en quatre tableaux du peintre et poète Peter Kien : l'empereur Überall (le Führer ?) règne sur l'Atlantide ; la Mort, se plaignant de ne plus trouver sa place, abdique son rôle ; lors d'une guerre générale décrétée par l'Empereur, celui-ci fait croire au peuple qu'il lui doit cette immunité devant la mort ; Arlequin (le principe de vie) évoque des souvenirs d'enfance avec l'Empereur, qui devient fou ; ce dernier, en acceptant de mourir le premier, convainc la Mort de délivrer de nouveau les hommes de leurs souffrances. Cette partition grinçante, ironique, jouant de la dérision, qui mêle des réminiscences de Kurt Weil, de Mahler, de Meyerbeer (Les Huguenots), de Josef Suk (Deuxième Symphonie « Asraël »), de Mendelssohn... ne sera donnée en première que le 16 décembre 1975 à Amsterdam.
Il écrit également une sonate pour violon et piano ; Trois Chants pour baryton et piano sur des textes de Conrad Ferdinand Meyer (1943), les Hölderlin-Lieder (Abendphantasie, « Fantaisie vespérale » ; Der Frühling, « Le Printemps » ; Wo bist du ?, « Où es-tu ? ») ; les trois dernières sonates pour piano (no 5, op. 45, dont l'orchestration était prévue, no 6, op. 49 et no 7, qui évoquent Schönberg, Mahler et, par dérision, l'opérette viennoise)[...]
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Écrit par
- Pierre-É. BARBIER : producteur à Radio France, musicologue
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