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PARETO VILFREDO (1848-1923)

Les systèmes économiques « purs »

La découverte de l'économie pure, discipline à laquelle, dès 1890, Pareto consacre désormais ses forces, n'est pas un hasard : c'est au fond la libération des misères de la vie quotidienne, le guide qui conduit au bonheur. L'économiste Maffeo Pantaleoni lui révèle Léon Walras et les équations de l'équilibre économique, monde parfait dans sa pureté formelle. C'est ainsi que commence à se construire l'univers théorique de Pareto. Cet individualiste, qui avait éprouvé son impuissance à devenir « quelqu'un » dans une Italie en plein développement économique et social, découvrait que la seule possibilité de s'affirmer et de s'apaiser lui était offerte par la fuite dans le monde de l'économie pure. Ce qui le conduisait à l'étude de l'économie mathématique était donc un besoin d'ordre, de rigueur et de logique, mais aussi sa défiance envers l'action concrète. De la sorte, cet homme riche, marquis de son état, lié presque charnellement à la Toscane, amoureux jaloux et atrabilaire de « son » Italie, a pu accepter, en 1893, la chaire d'économie politique que lui offrait l'université de Lausanne et rompre par là avec tout un passé d'idéaux, de luttes et d'habitudes.

Pareto a quarante-huit ans lorsqu'il écrit à Lausanne son premier livre, le Cours d'économie politique, paru en deux volumes, en 1896 et 1897. Il y soutient que l'économie doit être étudiée selon les mêmes critères que la physique. Les actions des hommes présentent des uniformités. Certaines actions se proposent en effet de procurer une sensation agréable ; d'autres, de procurer certaines conditions de santé, de développement du corps et de l'intelligence ; d'autres encore, de procurer ces conditions à tout un agrégat et d'en assurer la reproduction. Les qualités qui se rapportent aux deux derniers types d'action prennent le nom d'utilité. La qualité du premier genre d'action est appelée ophélimité, notion qui « exprime le rapport de convenance par lequel une chose satisfait un besoin ou un désir, légitime ou non ». Grâce à cette notion, il est possible d'isoler certaines propriétés permettant de construire des modèles abstraits. Ceux-ci rendent possible ensuite l'explication de phénomènes concrets et complexes.

Le Cours contient une théorie de l'évolution sociale. Pour Pareto, l'histoire est un fait proprement mécanique, c'est-à-dire pratiquement immobile, dont le résultat, pour qui le contemple, est la constatation que l'homme est toujours le même. N'est-ce pas la preuve, ou la confirmation de la vanité de l'action ? Il est désenchanté à tel point qu'il a rompu, en fait, avec le libéralisme.

L'atomisme et la structure statique de la société, qui sont les postulats fondamentaux de la philosophie libre-échangiste, impliquent la prédominance d'individus qui ne peuvent être que l'exact opposé de l'homo œconomicus. Les naïvetés d'une pareille philosophie sociale n'échappent pas à Pareto, mais pour l'instant il continue à observer les causes sociales et psychologiques de la destruction de la société économique libérale. Il les dénonce avec fureur dans La Liberté économique et les événements d'Italie, livre paru en 1898, mais, en même temps, il commence à tourner en ridicule le credo de ses années de jeunesse.

Dans Les Systèmes socialistes (1902-1903), il étudie une des causes majeures de la déperdition des doctrines libérales. Ce qui ressort de cet ouvrage, ce sont les faiblesses du libéralisme, faisant uniquement appel à la raison, et l'inconsistance logique des idées socialistes, mais aussi leur puissance explosive, leur caractère agissant, car elles sont fondées sur les sentiments, sur les passions[...]

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Écrit par

  • : professeur ordinaire de sociologie générale à l'université de Lausanne, directeur de l'Institut d'anthropologie et de sociologie

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