VILLA FRANCISCO, dit PANCHO (1878-1923)
La légende a longtemps attribué à Pancho Villa, héros du panthéon mexicain, les débuts d'un « bandit social » très populaire. La réalité est plus prosaïque. Né au Rancho de la Coyotada, dans l'État de Durango, de son vrai nom Doroteo Arango, métayer dans un grand domaine, il mène dès son adolescence la vie d'un petit hors-la-loi, ce qui lui vaut d'être versé dans la troupe. Déserteur en 1902, il adopte le pseudonyme sous lequel il deviendra célèbre et s'installe dans l'État voisin de Chihuahua, où une économie minière prospère et une « société de frontière » ouvrent le champ à de multiples activités, entre vol de bétail et transport de fonds pour le compte de nombreuses compagnies américaines. En 1910, il rejoint les rangs des révolutionnaires qui, derrière Francisco Madero, mettront fin au régime de Porfirio Díaz (mai 1911).
L'assassinat du président Madero en février 1913, à l'issue du coup d'État du général Huerta, le pousse à reprendre les armes. Il donne alors toute sa mesure de meneur d'hommes. Après la prise de la ville de Torreón, il transforme en quelques mois ses troupes de guérilla en une armée professionnelle. À la tête de la « division du Nord », il est un acteur militaire majeur de la révolution mexicaine : utilisant les trains pour le transport de troupes et manœuvrant des charges de cavalerie meurtrières, il balaie devant lui l'armée fédérale. En juillet 1914, lorsque Victoriano Huerta, vaincu, quitte le pays, ses quarante-cinq mille soldats permettent à Villa de tenir tête aux autres vainqueurs. Contre la faction dirigée par Venustiano Carranza, qui prétend incarner la légitimité madériste et entend lui disputer le contrôle du nord du pays, il s'allie avec Emiliano Zapata, avec qui il entre dans Mexico (novembre 1914).
Quoique très populaire lui aussi, le villisme n'est pas comparable au mouvement agraire des zapatistes. Sa base sociale, hétérogène, comprend des agriculteurs, des mineurs, des ouvriers, une partie des classes moyennes urbaines et même des grands propriétaires, comme la famille Madero. C'est pourquoi, à la différence de Zapata, Villa n'a pas de programme agraire national. Si, comme gouverneur provisoire du Chihuahua à la fin de l'année 1913, il décrète la confiscation des grands domaines, il en utilise les revenus pour acheter des armes aux États-Unis et financer son armée. Certes, il annonce pour l'après-guerre la distribution d'une partie des terres aux vétérans, mais aussi leur restitution partielle aux anciens propriétaires. Son projet politique reste cantonné au Chihuahua : il n'envisage pas de devenir président de la République, bien qu'il bénéficie du soutien des États-Unis, qui misent sur sa puissance militaire pour ramener l'ordre au Mexique.
Redoutable tireur, cavalier hors pair, à la fois chaleureux avec ses hommes et impitoyable sur la discipline, ne buvant jamais d'alcool, géniteur d'innombrables enfants naturels, Villa incarne une forme extrême, quoique sans postérité, du caudillisme. Quasi illettré mais doté d'un charisme exceptionnel, il attire auprès de lui de brillants officiers de carrière comme Felipe Ángeles, artisan de la professionnalisation de la division du Nord, ainsi que de nombreux intellectuels, mais son homme de confiance est le « boucher » Rodolfo Fierro, tristement célèbre pour ses exécutions sommaires de prisonniers.
Dans la guerre civile qui ravage le Mexique en 1915, le général Obregón, génie militaire des carrancistes, inflige à Villa des défaites cinglantes devant les villes de Celaya et de León. La division du Nord, démoralisée, voit ses effectifs fondre. Dès lors, à Washington, le gouvernement Wilson reconnaît le président Carranza et décrète un embargo sur les ventes d'armes aux villistes. En représailles, Villa effectue[...]
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Écrit par
- Annick LEMPÉRIÈRE : professeur des Universités
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Médias
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