VILLA, histoire
La Renaissance
Le développement de la demeure aristocratique à la campagne : villa, country house, maison des champs, etc., est commun à tous les pays occidentaux, mais le phénomène a longtemps été dominé par le souvenir de la villa romaine. Les écrits des deux Pline et de Vitruve, les résultats d'innombrables fouilles archéologiques permettent d'apprécier l'importance de ces demeures au sein d'exploitations agricoles souvent considérables ; leur fonction de résidence comporte une résonance culturelle et morale souvent explicitée par un décor approprié de peintures (ou de mosaïques) et de statues.
À partir du haut Moyen Âge, ce sont les monastères qui héritent de la formule. Mais, avec le développement urbain des xive et xve siècles, le retour à la villa, symbole et moyen d'une vie plus authentique, s'impose irrésistiblement. Son développement ne se comprendrait pas sans l'idéologie du locus amœnus, de l'asile bucolique, calme et studieux, remise en honneur par Pétrarque et reprise après lui par presque tout l'humanisme italien puis européen. On assiste en même temps à la parution de traités définissant les fonctions de la villa : Crescenzi (Opus ruralium commodorum, seconde moitié du xive siècle), Alberti (Della famiglia, 1437), et à l'élaboration incessante de nouveaux modèles. Autour de 1460, les « manoirs des champs » du roi René en Anjou, en brique et pierre, sont la version française des delizie multipliées par la famille d'Este autour de Ferrare et par les Médicis en Toscane. Jardins, vergers, eaux vives et terrasses enveloppent des bâtiments relativement simples dont, dans une première phase, tout élément défensif n'a pas disparu.
L'étape suivante, vers la fin du xve siècle, voit une évolution très nette vers une composition plus inventive mais intégrant des éléments antiques, plus libre mais attentive à la symétrie et à la netteté des volumes, avec un décor situé et calibré avec précision, le tout ouvrant toujours sur les jardins. Deux types apparaissent, l'un formant bloc (Poggio a Caiano, en Toscane), l'autre ouvert à l'intérieur, celui de Poggio Reale dans la banlieue de Naples, où un cortile à arcades offre, à l'intérieur, un cadre de fête (vers 1490). C'est la formule du casino par opposition à celle de la villa-château. Toutes deux ont retenu l'attention des envahisseurs français et exerceront, surtout la villa napolitaine, une action notable sur l'évolution du château des bords de la Loire et de l'Île-de-France. Mais l'adoption de la formule légère et attrayante de la villa est gênée par la tradition du château français qui implique une grande structure : seuls des pavillons, comme la « Maison blanche » édifiée au milieu d'un bassin dans le parc de Gaillon (vers 1560), ou le « Grand Jardin » élevé au pied du vieux château de Joinville (1546), correspondent, avec leur ordonnance à l'antique et leurs riches ornements, à la notion nouvelle de la villa. Mais la tendance sera plutôt en France d'exagérer les fioritures du décor, par exemple dans les « villas-grottes » à Meudon, à Saint-Germain-en-Laye, en soulignant la vocation du divertissement plutôt que celle du repos studieux. La villa en France n'existera qu'en marge du château : le dernier mot, en ce sens, sera le pavillon de Trianon par Gabriel en bordure du parc de Versailles.
La situation était très différente en Italie où la pratique de l'Antiquité romaine pouvait revivre dans le cadre de la société aristocratique de la Renaissance. Aux expériences florentines, qui n'évolueront guère, succèdent les initiatives remarquables de la Farnésine par Peruzzi, au bord du Tibre, corps de bâtiment en U relativement simple valorisé par le décor peint (1508-1511), puis, entre autres, la villa du cardinal[...]
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Écrit par
- André CHASTEL : membre de l'Institut, professeur au Collège de France
- Robert FOLZ : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Dijon
- Gilbert-Charles PICARD : professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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