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PALAGONIA VILLA

La plus célèbre et la plus coûteuse des grandes villas aristocratiques de Bagheria (15 km à l'est de Palerme). Celle aussi qui étonna le plus les contemporains, surtout les visiteurs étrangers, Swinburne, Goethe et Houel, choqués et fascinés par l'exubérance étrange, presque surréaliste, de cet univers fantastique. Affaire de goût, bien sûr : classique contre baroque. Mais le visiteur contemporain risque d'être déçu. Seules les glaces ternies du plafond et des murs subsistent dans un décor vide, le mobilier et les boiseries ayant été vendus au début du siècle. Et la grande allée d'accès, jadis chef-d'œuvre de mise en condition, avec ses cinq cents monstres, n'est plus qu'une rue dans une agglomération de banlieue.

On pénètre aujourd'hui dans la villa par la porte de derrière, et l'on en découvre la façade postérieure, convexe, et la cour, bordée de constructions basses, où s'agite sur la crête des murs d'enceinte le célèbre cortège de soixante-deux monstres. Animaux imaginaires, dragons et gnomes, figures mythologiques ; nains, soldats et musiciens : ces derniers sont d'ailleurs les seuls dont on ait retrouvé les modèles iconographiques (les illustrations du Gabinetto armonico du jésuite F. Bonanni, Rome, 1723). Ces vestiges suffisent à montrer que ce jeu avec la nature, aux frontières de l'animal et de l'humain, porte avant tout la marque du prince Ferdinando Francesco Gravina. Dévot, intelligent et cultivé, nullement satanique et pourtant inquiétant, il est responsable de la décoration intérieure et extérieure. Aux monstres s'ajoutait en effet tout un attirail fantasmagorique — fenêtres aux verres de couleur, plafonds revêtus de miroirs à facettes, mobilier excentrique, bordures dorées, miroirs dessinés ou gravés, cristaux des lustres — accumulé par un collectionneur jouant avec les objets et la matière. Ce décor achève ainsi, vers 1750-1760, une construction faussement homogène, œuvre de trois commanditaires, de nombreux artistes (T. M. Napoli, A. Daidone) et d'une foule de modestes artisans qui mirent leur métier au service de l'imagination et des rêves du prince.

— Maurice AYMARD

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Écrit par

  • : agrégé de l'Université, lecteur à l'université de Naples, directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales, administrateur de la Maison des sciences de l'homme

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