VILLA TRISTE, Patrick Modiano Fiche de lecture
Une autobiographie rêvée
« Il y a des êtres mystérieux – toujours les mêmes – qui se tiennent en sentinelles à chaque carrefour de votre vie. » Cette obsession de Victor Chmara est aussi celle de Patrick Modiano. Interrogé au moment de la parution de Villa triste, Patrick Modiano convient, à propos du personnage principal : « c'est moi, mais à travers une autobiographie complètement rêvée ». Les passerelles avec la réalité sont multiples : le narrateur porte le nom d'un acteur, Grégory Chmara, interprète de petits rôles dans des films russes dans les années 1910, allemands dans les années 1920. En 1956, il est le domestique d'Elena, dans Elena et les hommes (1956). C'est le rôle d'Elena qu'interprète Yvonne, dans un film allemand. Yvonne mène « sa carrière de manière désinvolte », comme la mère de l'auteur, comédienne qui s'est toujours contentée de petits rôles, cependant que son père toujours absent fréquentait des bandes troubles et menait des affaires louches, à l'image de René Meinthe.
Écrit par petites touches, Villa triste dépose dans la mémoire des sensations, des images. Les morceaux de bravoure – la description de la performance d'Henri Meinthe et d'Yvonne à un concours d'élégance, la coupe Houligant – font apparaître comme des événements de grande importance des anecdotes insignifiantes. Le seul mouvement d'humeur du narrateur survient comme un sursaut de colère inouï dans une atmosphère où tout est lisse, fluide, et où les personnages semblent frappés d'immobilité. L'angoisse reste latente. L'inquiétude surgit d'une tentative pour s'abstraire, goûter la sonorité des mots, des noms propres, en se gardant de leurs effets. Le narrateur en quête d'identité rêve « d'une enfance et d'une adolescence passées dans une ville de province » mais s'obstine à rester en dehors de la vie sans pouvoir freiner son déroulement et sa fuite vers une destination aussi inconsistante que le passé qui se dérobe dans l'oubli.
Sous le titre Le Parfum d'Yvonne, Villa triste a été adapté au cinéma en 1994 par Patrice Leconte.
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Écrit par
- Aliette ARMEL : romancière et critique littéraire
Classification
Média
Autres références
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MODIANO PATRICK (1945- )
- Écrit par Aliette ARMEL
- 1 763 mots
- 1 média
...deviennent des manières de litanie ou de comptines, accentuant la lenteur du rythme incantatoire de la narration et abandonnant tout pouvoir d'information. Villa triste, le quatrième roman, qui marque le glissement du style vers une fausse précision à la limite de la dilution, est situé dans une sorte de «...