Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

VILLE Les politiques de la ville

Résoudre les maux des « quartiers »

La politique de la ville, ainsi dénommée officiellement à la fin des années 1980 (le premier ministre de la Ville, en France, sera Michel Delebarre, en 1990), naît des tentatives successives pour résoudre ces difficultés. Lesquelles ne cesseront de croître, d'évoluer et de s'amplifier jusqu'à occuper une place majeure dans le débat public, au titre d'une des principales sources d'inquiétudes collectives, et devenir l'un des plus épineux casse-tête des gouvernements.

Les grands ensembles faisant l'objet de vives critiques, l'on décide d'arrêter leur construction en 1973, mais que faire pour améliorer l'existant – plus de 2 millions de logements ont été construits depuis les années 1950 – et, plus largement, les conditions de vie de ses habitants (et de ceux qui suivront) ? On a coutume de faire remonter à 1977 les prémices de la politique de la ville, avec la mise en œuvre des procédures « Habitat et vie sociale », dont l'objectif est de « stopper la dégradation du cadre bâti » et de « casser l'engrenage de la dégradation sociale » dans les quartiers H.L.M. ; mais la cinquantaine d'opérations prévues auront peu d'effets. Il convient d'agir autrement, d'autant que l'on prend conscience de la montée d'autres problèmes. D'une part, le chômage des jeunes et leur difficile entrée dans la vie active, que l'on commence à mesurer pleinement et qui restent à ce jour irrésolus. D'autre part, la montée de la délinquance et du sentiment d'insécurité, en particulier dans les quartiers, affirmée par la commission Peyrefitte en 1976. La politique de la ville naîtra ainsi d'abord pour « répondre » à la violence dans les banlieues, plus précisément aux incidents qui surviennent dans des communes de l'Est lyonnais, à Vénissieux et Vaulx-en-Velin, où auront lieu ce que la presse nommera des « rodéos », puis des incendies de voitures en 1981.

Au vu de ces événements, la gauche nouvellement arrivée au pouvoir convient d'un nécessaire rattrapage de l'action publique en vue de réintégrer les quartiers de banlieue dans la norme des villes françaises. De 1982 à 1986, demi-décennie qualifiée d'âge d'or de la politique de la ville, une réelle volonté de réhabiliter les cités est mise en œuvre, appuyée sur une indéniable inventivité et une forte implication militante, et portée par un projet de changement de société. Elle se décline sur plusieurs fronts : le chômage des jeunes (missions locales pour l'emploi), l'échec scolaire (zones d'éducation prioritaire, Z.E.P.), le lien social (développement social des quartiers), la délinquance (Conseil national de prévention de la délinquance), l'urbanisme (Banlieues 89). Le tout au travers de dispositifs qui marquent une transformation notable des principes de l'action publique : raisonnements à l'échelle de territoires, sur la base de diagnostics locaux engageant les différents acteurs – parmi lesquels, en principe, les habitants – en vue de satisfaire des objectif précis qui doivent permettre de traiter les problèmes dans toutes leurs dimensions (sociales, économiques, éducatives, urbaines, etc.).

Pourtant, on ne parvient pas à enrayer la spirale de dégradation et les « quartiers » feront régulièrement parler d'eux, en des termes le plus souvent négatifs et inquiétants, comme sources de problèmes pour eux-mêmes et pour le reste de la collectivité. Les incidents violents qui les touchent régulièrement – jusqu'aux émeutes de novembre 2005 – les placent chroniquement sous le feu des projecteurs politiques et médiatiques, comme autant de piqûres de rappel ou de coups de semonce obligeant à agir. Depuis la décennie de 1980, les politiques de la ville n'ont cessé de se succéder, suivant une[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : docteur en sciences sociales, chercheuse associée au Cevipof (Science Po), directrice de l'Agence de sociologie pour l'action

Classification

Média

Crise du logement en France, 1947 - crédits : Pathé

Crise du logement en France, 1947

Autres références

  • AGRICULTURE URBAINE

    • Écrit par et
    • 6 273 mots
    • 8 médias

    L’expression « agriculture urbaine », qui était devenue un oxymore dans les pays industrialisés avec la disparition progressive au cours du xxe siècle des ceintures maraîchères entourant les villes, a retrouvé du sens. En effet, dans un contexte d’étalement urbain (urbansprawl) et...

  • ALLEMAGNE (Géographie) - Aspects naturels et héritages

    • Écrit par
    • 8 281 mots
    • 6 médias
    ...Vingt-cinq seulement avaient plus de dix mille habitants. Mais le fait urbain était généralisé, et il allait se révéler fertile pour la suite. En effet, la ville, centre d'échanges, organise l'espace. À l'ère industrielle, ces petites villes (telles les villes de la Ruhr) allaient devenir les « centres d'accueil...
  • ALLEMAGNE (Géographie) - Géographie économique et régionale

    • Écrit par
    • 12 049 mots
    • 10 médias
    En 2015, 95 p. 100 des Allemands vivent dans des communes de plus de 5 000 habitants,un peu moins d’un tiers dans des villes petites et moyennes (5 000 à 100 000 habitants) et les deux tiers dans des grandes villes de plus de 100 000 habitants. Le taux d'urbanisation en Allemagne est comparable...
  • ALLEMAGNE (Histoire) - Allemagne moderne et contemporaine

    • Écrit par et
    • 26 883 mots
    • 39 médias
    Pas d'opposition tranchée entre villes et campagnes ; ou plutôt, celle-ci est de nature juridique, non humaine et économique. La densité dans la maison urbaine est la même que dans la maison rurale. Des citadins franchissent les remparts pour se rendre dans les faubourgs où ils cultivent champs, jardins...
  • Afficher les 55 références