VILLE Les politiques de la ville
Les grandes orientations
Relevons toutefois, sous ses multiples procédures et son langage souvent abscons, quelques-unes de ses inspirations fortes. Une loi importante est promulguée lors du second septennat de François Mitterrand, la loi d'orientation sur la ville (L.O.V., juillet 1991), dite loi « anti-ghettos », qui, entre autres principes, énonce celui d'une meilleure répartition des logements sociaux sur l'ensemble du territoire. Cette mesure, reprise puis renforcée dans le cadre de la loi Solidarité et renouvellement urbain (S.R.U., décembre 2000), introduit puis entérine l'un des principes fondamentaux des politiques de la ville, en tout cas l'un de ses vœux – pieux, ajoutent certains –, à savoir la mixité sociale. Obliger les communes qui n'en ont pas à construire des logements sociaux, retenir les classes moyennes dans les quartiers ou les attirer par des opérations de renouvellement urbain, afin de favoriser les rencontres entre des milieux qui se séparent et garantir un minimum de brassage social, tels sont les attendus du principe de mixité.
En parallèle, dès la fin des années 1980, puis avec le pacte de relance pour la ville (P.R.V.) adopté en novembre 1996 pour répondre au souhait du président Jacques Chirac de réduire la « fracture sociale », le principe d'une discrimination positive territoriale est retenu. Les quartiers sont hiérarchisés sur la base d'indicateurs (économiques, sociaux, culturels...) traduisant leur écart par rapport aux moyennes nationales. Trois groupes de quartiers où vivent plusieurs millions d'habitants sont ainsi labellisés en zones urbaines sensibles (Z.U.S.), zones de redynamisation urbaine (Z.R.U.) ou zones franches urbaines (Z.F.U.), qui bénéficient d'avantages divers (en particulier des dispositifs d'exonération fiscale pour favoriser le retour de l'emploi dans ces quartiers) en proportion de leurs difficultés.
À chaque nouvelle mobilisation, enfin – correspondant peu ou prou soit à une émeute, soit à un changement politique –, et particulièrement depuis 1995, les politiques de la ville intègrent un volet « sécurité ». Celui-ci est en fait assez ancien puisque, dès le premier mandat de François Mitterrand, une réflexion sur la délinquance, conduite par Gilbert Bonnemaison, avait mené à la création du Conseil national de prévention de la délinquance, prolongé à l'échelle départementale et communale. L'idée maîtresse était que la lutte contre la délinquance, ou plus précisément contre le « sentiment d'insécurité », ne pouvait être l'apanage des seules forces de l'ordre et que, derrière les maires, dont le rôle se trouvait renforcé, la sécurité devait être le résultat d'une coopération impliquant tous les acteurs concernés (police, justice, Éducation nationale, transporteurs publics, bailleurs sociaux...). Tâche colossale, au final fort peu couronnée de succès, qui n'a pas empêché par ailleurs l'éclosion de multiples dispositifs de lutte contre la délinquance et la criminalité, conçus en dehors des politiques de la ville. Quoi qu'il en soit, un lien étroit est posé entre ces deux modes d'intervention publique, tant les quartiers sont considérés sous l'angle des menaces qu'ils font peser.
Le choc politique du 21 avril 2002 (l'éviction du candidat de gauche au second tour de l'élection présidentielle au profit de l'extrême droite) relance une nouvelle fois la machine. Et si le Premier ministre d'alors, Jean-Pierre Raffarin, fait de « ... la proximité avec la France d'en-bas » le principe organisateur de sa politique, son ministre de l'Intérieur, de son côté, déclare la guerre à la délinquance. Parallèlement, une nouvelle loi – loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, dite « loi Borloo », en août 2003[...]
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Écrit par
- Véronique LE GOAZIOU : docteur en sciences sociales, chercheuse associée au Cevipof (Science Po), directrice de l'Agence de sociologie pour l'action
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