VILLE Les politiques de la ville
Évaluation et bilan
Que penser des politiques de la ville, quel bilan en tirer, comment les évaluer et sur quels critères, si nombreux sont les domaines d'action et les dispositifs et si divers les territoires sur lesquels ils ont été appliqués de façon spécifique à chaque fois ?
On dénombre près de 300 évaluations depuis les années 1980 – sans compter les bilans locaux –, qui parviennent toutes peu ou prou au même constat prudent et mitigé : les politiques de la ville ont permis qu'un véritable travail soit réalisé, elles ont amélioré la vie au quotidien dans certains quartiers, mais elles sont impuissantes à endiguer les processus de ghettoïsation. Autrement dit, ce sont des politiques finalement peu efficaces mais, sans elles, la situation aurait été pire. Cependant, il nous faut examiner plus en détail ce qu'il en est en recensant, de manière non exhaustive, les écueils sur lesquels viennent buter ces politiques et les questionnements qu'elles suscitent.
Les politiques de la ville semblent en effet incapables d'agir sur certains problèmes de fond, pour la raison souvent évoquée que les causes des problèmes de ces quartiers sont extérieures à ces mêmes quartiers, à commencer par les tendances lourdes de l'économie. Ainsi le très grand nombre de dispositifs mis en œuvre pour lutter contre le chômage des jeunes, par exemple, ont certes permis aux plus qualifiés de s'insérer mais, pour les autres, sont devenus au mieux des adjuvants de l'accompagnement social du chômage. De ce fait, pour un nombre important de jeunes, les moins formés ou ceux qui sont issus des familles les plus pauvres, l'emploi stable demeure rare, situation d'autant plus intolérable que les politiques d'aide à l'emploi ont permis à d'autres d'y accéder. Les politiques de la ville n'ont pas empêché les émeutes, constate-t-on par ailleurs. Fait plus déconcertant encore : dans la majorité des cas, les émeutes n'ont pas lieu dans les quartiers les plus pauvres ou les plus abandonnés mais, au contraire, dans ceux qui ont bénéficié d'actions et sur lesquels un travail d'importance a été réalisé (ouverture d'équipements et de services sociaux, animation culturelle, vitalité du secteur associatif, implication militante...), comme l'illustrent le quartier du Mas-du-Taureau à Vaulx-en-Velin ou celui du Val-Fourré à Mantes-la-Jolie. Se pourrait-il alors que ces politiques aient un impact négatif et soient contre-productives ? Certains n'hésitent pas à l'affirmer et dénoncent leurs insuffisances.
Ainsi souffriraient-elles des travers de l'action publique à la française, malgré les professions de foi sur la transversalité et la coopération : hiérarchisation des fonctions ; séparation entre les inspirateurs ou les décideurs et les opérateurs sur le terrain ; parcellisation dans l'analyse des besoins ; standardisation et massification des réponses. Elles seraient en outre illisibles à cause de la multiplicité et de l'enchevêtrement des procédures et des modes d'intervention, voire des décisions ou des injonctions contradictoires, qui posent par ailleurs de sérieux conflits de légitimité entre les institutions concernées. Au départ expérimentales, elles seraient devenues une lourde machine administrative et une course aux financements.
Ces derniers, d'ailleurs, ont-ils été suffisants ? Certains en doutent, car si des efforts notables ont été réalisés sur certains sites, il demeure des déséquilibres patents, en termes de budget notamment, par rapport à ceux qui sont dévolus aux centres-villes ou aux territoires d'habitat individuel. Les mesures ne seraient ainsi que des rattrapages insuffisants pour combler les inégalités de départ. Et encore faudrait-il voir pour quoi et comment les financements engagés sont utilisés. Ainsi, par exemple, selon la[...]
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Écrit par
- Véronique LE GOAZIOU : docteur en sciences sociales, chercheuse associée au Cevipof (Science Po), directrice de l'Agence de sociologie pour l'action
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