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VILLE Les politiques de la ville

Rôle des habitants et mixité sociale

Ces politiques ont-elles alors réussi à concrétiser d'autres aspirations fondamentales et d'abord la participation des habitants ? La réponse est très clairement non. Il était bien prévu, dans la philosophie initiale de la politique de la ville, notamment issue des travaux de la commission dirigée par Hubert Dubedout en 1982 – et cela n'a jamais été remis en question depuis lors –, que les habitants des quartiers devaient être étroitement associés aux décisions concernant leur territoire et leur vie. Il fallait donc, d'une part, qu'ils ne soient pas cantonnés dans un rôle passif qui risque d'accroître leur sentiment et leur niveau de dépendance, mais que l'on mise réellement sur leur capacité d'action et, d'autre part, que les dispositifs imaginés s'appuient sur leur expérience et leur connaissance des quartiers afin de gagner en justesse et en efficacité. Mais, pour que cette idée ne demeure pas une formule vaine, encore eût-il fallu inventer les mécanismes de la dite participation : organiser l'expression et le recueil de la parole et faire en sorte qu'elle soit prise en compte pour qu'elle ait un impact réel sur les politiques envisagées. Sauf en de rares cas, dans les faits et au mieux, les habitants sont tout juste consultés, parfois seulement informés une fois que les décisions ont été adoptées. Loin d'ouvrir des espaces de discussion ou de négociation, les dispositifs prévus sont largement pensés sans eux. De ce fait, les politiques de la ville sont devenues de quasi-huis clos institutionnels qui n'associent pas les habitants autrement que pour leur demander d'avaliser des actions conçues sans eux. Et leurs initiatives, lorsqu'on les sollicite, ne sont prises en compte que si elles se moulent dans des cadres déjà prévus. Conséquence : à l'instar des mécanismes de l'aide sociale, les dispositifs de la politique de la ville, en principe destinés à redonner un pouvoir d'action aux habitants des quartiers, produisent une nouvelle forme d'assistance et fonctionnent trop souvent comme un marché, que les mieux placés ou les plus ambitieux tentent d'utiliser au mieux. Cela porte grandement atteinte à l'estime de soi des habitants, alors que de façon croissante des demandes de reconnaissance et de dignité se font jour dans les quartiers.

Qu'en est-il enfin, pour autant que l'on puisse établir un bilan précis sur ce point, de la mixité sociale ? Concernant le principe de solidarité urbaine qui fait obligation aux communes de prendre leur part de logements sociaux – l'article 55 de la loi S.R.U. contraint les communes de plus de 3 500 habitants (1 500 en Île-de-France), dans les agglomérations de plus de 50 000 habitants, à parvenir en 20 ans à 20 p. 100 de logements sociaux sur leur territoire –, le bilan est mitigé. Et il montre que l'on est encore très loin d'une véritable intercommunalité politique qui amènerait les communes à réellement partager les moyens et les difficultés. Par ailleurs, malgré les intentions affichées, les tentatives et les efforts, il faut bien reconnaître que les politiques de la ville ont rarement porté sur les villes dans leur ensemble, dans la mesure où elles se sont centrées quasi exclusivement sur certains territoires, et elles n'ont guère veillé ou elles ont échoué à réintroduire ces derniers dans les tissus urbains.

Certes, la mixité sociale ne peut se décréter car elle ne saurait ignorer les stratégies résidentielles des ménages (leurs ambitions autant que leurs craintes), mais, finalement, a-t-on réellement voulu désenclaver les quartiers et accroître la mobilité des habitants, ou faire en sorte que ces « territoires ghettoïsés » vivent à peu près bien ? Car la mixité sociale a presque toujours été pensée dans un[...]

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Écrit par

  • : docteur en sciences sociales, chercheuse associée au Cevipof (Science Po), directrice de l'Agence de sociologie pour l'action

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Crise du logement en France, 1947 - crédits : Pathé

Crise du logement en France, 1947

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