VILLE Mutations urbaines
Les villes de toutes les mobilités, réelles ou virtuelles
Depuis les années 1990, de nombreux chercheurs ont analysé pourquoi le développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication ne produisait pas ce double mouvement, tant redouté, d'une part de « confinement interactif généralisé » d'individus qui n'auraient plus aucune raison ni même aucune possibilité de sortir de chez eux, d'autre part, de dilution urbaine par dilatation de toutes les distances, plus rien n'incitant les citadins à habiter les uns à côté des autres. Il n'y a pas de raison en effet pour que les technologies, quelles qu'elles soient, s'opposent à l'évolution de la société et à son urbanisation qui ont des causes profondes et multisécultaires. Il ne faut pas oublier que les technologies ne sont pas des objets étranges à l'origine mystérieuse : ce sont des produits de la société, et en tant que telles, elles sont inventées, développées et mises en œuvre en fonction des dynamiques qui animent l'évolution de cette société. Les N.T.I.C. ne sont pas des alternatives à l'urbanisation, ce sont des outils de l'urbanisation (Graham et Marvin, 1996). Elles engendrent aujourd'hui ce que les spécialistes appellent la métropolisation, c'est-à-dire la concentration des richesses humaines, matérielles et informationnelles dans les agglomérations urbaines les plus importantes. Elles ont même des effets paradoxaux, car, en se généralisant et en gagnant toutes les activités, elles banalisent en quelque sorte tout ce qui se télécommunique, donnant a contrario plus de valeur au monde sensoriel qui ne se télécommunique pas ou à peine : toucher, sentir, goûter, événement en direct, spectacle « vivant » (Ascher, 1995).
Toutefois, les N.T.I.C., mais également les nouveaux moyens de transport, participent à la production de nouvelles formes urbaines que nous avons appelées des « métapoles ». Il s'agit d'agglomérations urbaines de plus en plus étendues, parfois d'échelle régionale, discontinues, hétérogènes, polynucléaires, qui intègrent progressivement dans leur fonctionnement « quotidien » des villes et des villages de plus en plus éloignés. Ces métapoles sont les nouvelles formes des villes à l'époque de la modernité avancée. Caractérisées par le flou des séparations entre bâti et non-bâti, entre urbain et rural, par des densités variables et chaotiques, par leur diversité urbanistique et architecturale, composées de fragments sociaux et fonctionnels, les formes métapolitaines ressemblent de moins en moins aux villes médiévales, classiques ou industrielles, même si elles en réutilisent en partie le vocabulaire architectural. Elles annoncent une nouvelle révolution urbaine.
Les métapoles sont l'expression spatiale d'une société dans laquelle les individus sont de plus en plus « multi-appartenants », socialement et territorialement : au travail, ils sont techniciens ou cadres ; dans leurs loisirs, ils sont footballeurs, cyclistes ou randonneurs et ils participent sur Internet à des forums consacrés aux étoiles filantes, ils appartiennent à plusieurs réseaux familiaux car l'un des conjoints est remarié, ils votent à gauche localement et à droite nationalement, etc. Leurs quartiers sont tout aussi variés : ils habitent dans une commune, travaillent ou étudient dans une deuxième, se divertissent dans une troisième, s'approvisionnent dans une quatrième. Les territoires sont de moins en moins des territoires déterminants de l'intégration individuelle et sociale, car les voisins sont de plus en plus rarement des amis, des parents, des collègues, des coreligionnaires. Quant aux relations familiales, si elles ne sont pas moins importantes, elles se concrétisent autrement et à une autre échelle.
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Écrit par
- François ASCHER : professeur à l'Institut français d'urbanisme, université de Paris-VIII
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