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VILLE Mutations urbaines

La ville hypertexte

Les individus se déplacent en permanence, physiquement ou grâce aux télécommunications, dans ces divers univers auxquels ils participent, mais dont aucun ne possède les mêmes règles. Ils sont comme les mots dans un hypertexte, qui, passant d'un texte à un autre, participent à chaque à fois à un contexte sémantique différent, mais aussi construisent des liens entre les différents textes. Les individus appartiennent à une multiplicité de groupes sociaux et de territoires, mais ils tissent dans ce que nous avons appelé la société hypertexte (Ascher 2000) les liens multiples et variés de la ville métapolitaine.

Le travail, la famille, les loisirs forment ainsi, dans l'hypertexte social, des plans séparés, aux configurations et aux syntaxes différentes, aux liens de diverses natures, plus ou moins forts et durables.

Aujourd'hui, les citadins bougent, agissent, échangent et communiquent à toute heure du jour et de la nuit. L'usage des N.T.I.C. et des moyens de transport individuel répond à ces évolutions et les favorise en retour. L'histoire du téléphone illustre particulièrement bien cette interaction. En France, par exemple, le téléphone a eu des difficultés à s'implanter dans l'entre-deux-guerres, à tel point que l'administration des Postes, Télégraphe et Téléphone fit, chose inhabituelle pour l'époque, de la publicité pour le promouvoir. Mais la société française, encore largement constituée de groupes sociaux fortement localisés, n'en avait guère besoin. En revanche, les changements sociaux et urbains des années 1960 ont modifié radicalement la demande, et on est passé en trente ans d'un tiers des ménages équipés d'un téléphone à 98 p. 100. Il en va de même aujourd'hui avec le téléphone mobile dont le succès révèle la mobilité urbaine, à laquelle il contribue d'ailleurs.

Cette mise en perspective des technologies nouvelles et leur repositionnement dans les dynamiques de société est indispensable pour élaborer des hypothèses sur leurs usages à venir. Malheureusement, la réflexion est souvent déformée par la fascination qu'exercent leurs potentialités. Il faut reconnaître que les capacités déjà opérationnelles des technologies de l'information sont considérables, en particulier dans le champ des services urbains et des téléservices à domicile. La convergence, sur un Internet mobile, du téléphone, de la télévision, du télétexte, et le couplage avec la robotique, l'automatique, la simulation, la modélisation, la localisation par satellite, la généralisation de hauts débits, la miniaturisation, etc., semblent en effet ouvrir des possibilités infinies.

Alors, pourquoi, chacun ne disposerait-il pas demain, quel que soit le lieu où il se trouve, de la meilleure médecine, de la téléchirurgie, de la télé-université, du télé-accès jour et nuit à l'état civil de sa mairie, de la télésurveillance, de la télé-assistance pour les personnes âgées, du télé-commerce, etc. ? De fait, ces nouveaux services s'expérimentent et se mettent progressivement en place, mobilisant en particulier les acteurs économiques et les collectivités locales qui perçoivent peu à peu l'ampleur des possibilités, mais aussi des enjeux économiques, sociaux et démocratiques que suscite la présence de ces nouvelles technologies dans les services publics. Toutefois, il est assez difficile de faire des pronostics à moyen terme sur les usages qui seront faits concrètement des N.T.I.C. Car les acteurs en sont encore souvent à « motoriser des carrosses », c'est-à-dire à appliquer les nouvelles techniques à des objets et à des usages anciens, alors que la société va probablement s'en saisir de façon plus dynamique. Elle commence déjà à le faire dans un certain nombre de domaines, confortant notre hypothèse qu'une nouvelle révolution urbaine est en marche, qui accompagne l'émergence de[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'Institut français d'urbanisme, université de Paris-VIII

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Los Angeles - crédits : Chad Ehlers/ The Image Bank/ Getty Images

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