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VILLE Mutations urbaines

Les nouveaux lieux des villes

Si les appartenances sociales et territoriales changent, il en est de même pour les temporalités de la vie quotidienne. Celle-ci n'est plus réglée de la même manière par le travail, par les horaires restrictifs d'ouverture des commerces, par une dépendance absolue vis-à-vis des transports collectifs, par des rituels alimentaires familiaux et quotidiens. Les individus se désynchronisent et se resynchronisent de plus en plus souvent de façon autonome, avec des moyens personnalisés (de la montre individuelle au téléphone mobile en passant par l'automobile).

Ces nouvelles configurations spatiales et temporelles donnent aux pratiques individuelles et sociales des formes différentes qui désorientent certains observateurs. Le succès de la thématique des « non lieux », c'est-à-dire d'endroits banalisés et apparemment vides de relations sociales comme les aéroports, les stations-service, les centres commerciaux, les fast-foods, peut ainsi être interprété comme résultant d'une difficulté à identifier et à interpréter cette nouvelle urbanité. Comme l'a bien mis en évidence François de Singly, un restaurant McDonald's est bien plus qu'un endroit où on mange vite un hamburger. Une observation attentive montre en effet la variété des pratiques individuelles et collectives des individus qui prennent place dans ce type de « restaurant ». La famille, mais aussi des groupes de jeunes, des salariés pour la pause du déjeuner, des individus seuls y trouvent la possibilité de manger « libres-ensemble », au rythme et à l'heure qu'ils ont choisis. Si McDonald's a connu un grand succès et s'il a fait école, donnant naissance à des fast-foods italiens japonais, libanais sans oublier les briocheries et les sandwicheries new look, ce n'est pas seulement en raison de ses principes de productivité et parce qu'il propose une consommation fétiche des États-Unis ; c'est aussi parce qu'il est parfaitement adapté à l'évolution de la vie urbaine et de ses rythmes, à l'extension de la journée continue et à la prolifération d'entreprises tertiaires sans cantine, aux nouvelles pratiques de loisirs des familles et des adolescents, à la remise en cause des traditions de civilité (bouleversement possible de l'ordre des plats, absence de couverts), etc.

François Bellanger a, pour sa part, mis en évidence le fait que les gares et les aéroports accueillent un nombre de plus en plus important d'activités en marge du transport proprement dit, que les transporteurs sont conduits à traiter comme des activités à part entière et pas seulement comme un environnement du voyage. La conception et l'aménagement des trains, des avions, mais aussi des automobiles, traduit ainsi de plus en plus le fait que ce sont aussi des lieux de travail, individuel ou collectif, d'achat et de consommation de biens et de services, et même de loisirs. Cela ne va pas sans poser de multiples problèmes de compatibilité que l'usage de téléphone mobile illustre tout particulièrement, qu'il s'agisse de la gêne qu'il suscite dans un train pour les voisins de l'utilisateur ou du danger qu'il crée quand il accompagne la conduite d'une automobile.

Cette multifonctionnalité n'est pas le propre des lieux du transit. Elle se généralise car elle est l'expression spatio-temporelle de la société hypertexte. Elle modifie les lieux « publics » comme les lieux « privés », remettant en cause en partie la distinction entre public et privé. Le train d'où l'on téléphone est-il un lieu public de transport ou un lieu privé domestique ou professionnel ? Comment caractériser le domicile d'où l'on surfe sur l'espace public de communication qu'est Internet ? Cette multifonctionnalité et cette interpénétration des modes d'interaction obligent déjà les développeurs urbains[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'Institut français d'urbanisme, université de Paris-VIII

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Los Angeles - crédits : Chad Ehlers/ The Image Bank/ Getty Images

Los Angeles

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