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VILLE Mutations urbaines

Les nouveaux modes de conception, de production et de gestion de l'urbanisme

Quelles que soient ses prétentions à se constituer comme une discipline scientifique, l'urbanisme est resté jusqu'aux années 1980 un domaine à faible technicité dans lequel dominaient des conceptions assez simplistes de la pluridisciplinarité. Beaucoup d'urbanistes étaient un peu planificateurs, un peu économistes, un peu politologues, un peu sociologues, le tout se greffant, en France, sur une formation initiale d'ingénieur, d'architecte ou de géographe. En Grande-Bretagne, depuis l'après-guerre, des généralistes appelés town planners ont été formés, mais leur profession, organisée sur une base corporatiste, est aujourd'hui passablement sinistrée et ne fait plus le poids notamment face à une ingénierie performante et polyvalente. En Espagne et en Italie, les urbanistes sont encore presque exclusivement des architectes et leur efficacité tient souvent en grande partie à leur bonne articulation avec les pouvoirs locaux.

Mais ces « bricolages » sont de moins en moins adaptés aujourd'hui aux modalités de conception, de production et de gestion des villes. Les interlocuteurs des urbanistes et des pouvoirs locaux sont en effet de plus en plus souvent des sociétés importantes et des entreprises très pointues qui entrent très vite dans la nouvelle économie cognitive et font un usage de plus en plus massif des technologies nouvelles. Les techniciens de l'État et des collectivités territoriales ont de plus en plus de mal à maintenir le degré de compétence technique nécessaire pour négocier dans de bonnes conditions avec ces prestataires de services. Et aujourd'hui l'urbanisme nécessite des spécialistes dont les compétences vont de la constitution de banques de données, à l'usage de systèmes d'information géographique (les S.I.G. qui sont de plus en plus souvent connectés directement sur Internet), aux études de marché et à des calculs économiques complexes.

Les méthodes de travail sont donc totalement bouleversées. La modélisation et la simulation transforment profondément les tâches de conception comme elles l'ont fait dans l'industrie. Les itérations se font plus nombreuses, les variantes se multiplient. L'approche en termes de coût global qui est celle des développeurs urbains conduit à intégrer très en amont les contraintes futures de la gestion. La prise en compte des demandes et des réactions des usagers et des riverains modifie les logiques intellectuelles des concepteurs. Parallèlement, les villes devenant plus complexes, les ambitions urbanistiques plus grandes, les exigences de qualité globale plus fortes, on voit apparaître de nouveaux besoins de coordination des politiques d'urbanisme, de transport, de l'habitat, de l'environnement, du développement économique qui, à leur tour, exigent des dispositifs institutionnels, mais aussi techniques, considérables.

L'urbanisme et l'aménagement urbain s'éloignent donc rapidement des problématiques anciennes formulées en termes de planification, et se redéfinissent en termes de management stratégique pour faire face à la complexité et à l'incertitude des dynamiques urbaines contemporaines.

Mais les conceptions mêmes des villes et de leurs espaces sont entraînées dans un processus de changement dont on mesure encore mal aujourd'hui la portée. Au xviie et au xviiie siècle, la ville classique a été profondément marquée par la modernité naissante et a développé une mise en scène théâtrale cohérente qui rendait visibles les relations entre individus et État. Puis la ville industrielle a développé une conception quasi cinématographique d'une ville déterminée avant tout par la mobilité des hommes et des marchandises. Désormais, les conceptions des villes seront inévitablement en phase avec la société hypertexte et[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'Institut français d'urbanisme, université de Paris-VIII

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Los Angeles - crédits : Chad Ehlers/ The Image Bank/ Getty Images

Los Angeles

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