INDY VINCENT D' (1851-1931)
Du compositeur ou du pédagogue, on ne sait auquel il faut accorder la première place : l'un et l'autre sont d'importance considérable ; l'un et l'autre se mêlent d'ailleurs ; d'Indy n'a jamais cessé d'être professeur en composant, comme il n'a jamais cessé, en enseignant, d'être un homme de principes, intransigeant encore que généreux et bienveillant. Originaire du midi de la France (bien que né à Paris), élève de Diemer et de Marmontel, pour le piano, de Lavignac pour l'harmonie, enfin — et surtout — de César Franck, auquel il voue un culte qui ne cessera de grandir, il complète sa formation musicale par plusieurs voyages en Allemagne. Il y rencontre Liszt, Brahms, Wagner surtout ; la découverte des drames lyriques de ce dernier va orienter toute sa carrière. Après ses premiers succès, celui en particulier de sa Symphonie cévenole (1886), il prend la direction de la Société nationale à la mort de Franck (1890) et fonde la Schola cantorum dont il deviendra très vite le directeur. Dès lors, son influence sur la jeune génération devient très importante non seulement dans le domaine musical mais sur le plan moral. D'Indy ne sépare jamais son enseignement artistique d'une attitude philosophique et morale. Son esthétique, fondée sur le culte de l'ordre, de la rigueur, n'est dans son esprit que l'application au domaine de l'art d'une pensée morale. C'est parce qu'il est fervent catholique, et parce qu'il est nationaliste, qu'il tentera de traduire en français le message wagnérien et cherchera son inspiration dans ses montagnes cévenoles. C'est au nom d'une certaine conception morale qu'il s'opposera vivement au debussysme, trop sensuel, trop peu structuré à son goût, et cela malgré une grande admiration personnelle pour l'œuvre de Debussy ; son école et ses disciples, renchérissant sur son rigorisme, le pousseront peut-être plus loin qu'il n'eût souhaité lui-même.
L'œuvre de Vincent d'Indy est, dans l'ensemble, plus pensée que sensible, volontaire et construite, à l'image de cet homme obstiné dans l'application de ses principes, mais d'une incontestable richesse. Elle se divise assez clairement en trois moments. La première période est nettement germanisante, sous l'influence des romantiques allemands et surtout de Wagner : elle consiste essentiellement en poèmes symphoniques (La Forêt enchantée, Le Chant de la cloche, et surtout les volets du triptyque de Wallenstein, 1870-1885). La seconde période marque un retour vers les traditions nationales, voire régionales. C'est l'époque de la Symphonie cévenole (ou Symphonie sur un chant montagnard français), 1886 ; de Jour d'été en montagne ; de ses deux opéras, intitulés « actions musicales », Fervaal et L'Étranger ; de la Légende de saint Christophe, gigantesque drame musical religieux et symbolique, enflé à l'excès, malgré de beaux moments (1885-1915). La dernière période (1915-1931) tend progressivement vers une sorte de classicisme, un dépouillement et un allégement : Sinfonia brevis, De bello gallico, Diptyque méditerranéen, Quintette, Troisième Quatuor ; c'est une musique toujours pensée, mais plus élégante, et dépouillée de tout ce que certaines œuvres précédentes pouvaient avoir, quelquefois, d'un peu grandiloquent. Les deux dernières périodes se rattachent très visiblement à des conceptions proches de César Franck, parfois avec un esprit de système ; la volonté de construction rigoureuse développe une structure cyclique dans laquelle elle s'épanouit.
L'importance de d'Indy est extrême pour l'intelligence de la musique du début du xxe siècle. Il a formé une pléiade d'artistes (Albert Roussel, Albéric Magnard, Érik Satie,[...]
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Écrit par
- Philippe BEAUSSANT : directeur de l'Institut de musique et danse anciennes de l'Île-de-France, conseiller artistique du Centre de musique baroque de Versailles
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